jeudi 16 septembre 2004

Coupable ou non coupable ? En tout cas licencié !

J’avais connu des rendez-vous plus gais et plus stimulants. Celui de ce jour, Batiment 3, 3ème étage, salle 095 à 15h30 déciderait de l’avenir de Gwen. Pour cela avait été réuni 8 PNC et Jean-Pierre présidait cette réunion.
On appelait cela un Conseil de discipline, ce conseil devait donner un avis sur le licenciement demandé de Gwen.
Huit PNC donc, trois délégués du personnel et trois cadres PNC, Gwen et son défenseur de l’UNAC. Parmi les trois cadres PNC, le seul que je connaissais me laissait le souvenir attristé de sa promptitude à se jeter dans les postes de repos. Les deux autres m’étaient inconnus mais l’un d’eux s’illustrerait brillamment dès la semaine suivante dans une sordide histoire d’arnaque du CE CDR Lignes pour son accompagnant. Bref, le conseil pouvait statuer légitimement.

Mais revenons à ce qui nous amenait Gwen et moi à prendre une belle leçon de moralité par des sujets de l’encadrement PNC triés sur le volet.

L’emballage des sachets se faisait méticuleusement afin d’éviter toutes pertes et la fermeture par thermocollage réalisée par Pablo finissait parfaitement cette opération. Ronaldo en bout de cette courte chaîne conditionnait les sachets par cartons de 5 kg. Ce nouveau format permettait une logistique plus réactive aux aléas multiples du routage. Dès que la camionnette barbouillée aux couleurs d’Alitalia serait chargée des 50 cartons, Ronaldo et Pablo fileront boire une bière bien méritée à Ipanema.
Sous un ciel maussade d’octobre, Gwen traversait la campagne angevine à bord du TGV Rennes Roissy CDG. Steward du groupe 26, il partait pour Rio de Janeiro, une de ses destinations habituelles. Une nuit à l’hôtel Baladins et départ pour Rio le lendemain.

Dès le réveil, Jean-Pierre mit machinalement en route son PC portable pour le connecter à internet. Seul le cours de clôture de la veille de l’action AF le souciait. 8,67 €, la menace de conflit avec les pilotes n’aidait pas à la remontée, le tout sur fond de privatisation. Son achat récent (5000 actions France Télécom à 8,05 € au lieu d’actions AF) lui remonta le moral. Son bénéfice potentiel de 35000 € effaça tout remords en rapport avec son poste de conseiller de la Direction Générale de la Compagnie. Il lui faudra tout même trouver l’idée qui dénouera ce conflit PNT. Sa formation de haut niveau lui fournissait toutes les armes pour tenter de faire entendre raison aux pilotes ou de les enfumer avec un accord bidon basé sur un bricolage des temps médians. Parmi ses e-mails, l’avocat de son ex-femme lui signifiait ses dernières exigences. La journée à peine commencée et la tête déjà farcie de problèmes, il entra sous la douche. Habillé chaudement, il relia Passy à Roissy en 30′ grâce à son scooter Suzuki 650 Burgman. Impensable en voiture à cause du salon international de l’Alimentation et de ses libations génératrices d’embouteillages.

Le thermocollage des sachets avait débuté le mois précédent avec l’arrivée d’une machine qui servait le jour aux paquets d’appâts de pêche au gros du magasin du frère de Ronaldo. Cette méthode garantissait une étanchéité parfaite mettant en défaut les chiens des douanes du port de Rotterdam ou d’ailleurs, sous réserve de noyer le tout dans du café moulu. Pablo n’avait, quant à lui, aucun souci de divorce ou de CAC 40 mais l’arrivée de son petit troisième, le faisait s’inquiéter pour l’avenir de son boulot. Un peu distrait par ses pensées et par la radiodiffusion d’un match du fameux derby carioca « Fla-Flu » contre « Fluminense », il scella dans le dernier sachet un cure-dent en plastique vert tombé de ses lèvres.

Gwen aimait Rio bien qu’il y notait une montée alarmante de la délinquance ; Plus rien à voir avec ce qu’avait connu les anciens. Quelques caïpirinhas du pot équipage aidant, il décida de retourner tout de même dans ce resto sympa, la « Garota de Ipanema ». Le taxi le déposa avec trois autres PN curieux, nostalgiques ou économes. Les tarifs de la « Garota » étaient sans rapport avec ceux du Méridien. Le dîner sur fond d’histoires drôles et de souvenirs locaux passa rapidement, agrémenté de bières Molson puis de dernières caïpirinhas. Des Brésiliens avaient rejoint leur table. C’était l’occasion de parler ce brésilien si chantant mais aussi d’entamer une approche de Pablo dont le regard à damner un saint ne laissait pas Gwen insensible. Les conversations avec Pablo tournèrent rapidement sur le football et l’avenir de Romario, suite à sa récente blessure au genou. Les façons de draguer se valent toutes seul le résultat compte. Retour à l’hôtel pour Gwen un peu cassé alors que d’autres filaient vers les lieux de perdition nocturnes. Pablo, plus calin que farouche repartit avec Gwen, direction l’hôtel Ipanema, hôtel de passe plus discret que le Méridien. La route, la chaleur, les bières achevèrent Gwen qui se réveilla à l’accent chantant de policiers brésiliens effectuant un contrôle de routine. ” Os gentlemen, boa noite, control polícia, saem do carro ! ” Papiers, fouille et 5 grammes de cocaïne dans la poche de Gwen. Sans doute un cadeau de Pablo déjà connu comme dealer et prostitué patenté par les services de police.

Arrestation de Gwen, évaporation de Pablo, poste de police, angoisse du suspecté trafiquant. Racket de la police, fric volé, montre de même. Libération sous condition qu’il reconnaisse être consommateur et sur intervention de l’escale, voire du consulat. Retour CDG en fonction. Pour couronner le tout le journal « Ho Dia » torchon local mis l’accent sur l’ignoble steward de la Compagnie arrêté avec de la cocaïne.

Jean-Pierre gara son scooter au parking du siège. La journée s’annonçait dense comme lui signifia le planning de son Palm pilot :
10h00 : point sur négo PNT
12h15 : déjeuner avec chef PNC CDR AME pour caler exigences disciplines et infos de dernières minutes
15h30 : Présidence conseil de discipline de Gwen et merde…
19h00 : réunion Spinet pour « brain storming » grève pilotes et privatisation.
Depuis 20 jours que Gwen est en mise à pied conservatoire, il a fait tous les examens le prouvant non-fumeur de cannabis et sans trace de cocaïne ou autre substance. C’est le dossier qu’il a sous le bras pour rentrer dans la salle du conseil de discipline. Exposé des faits, accusation, défense, sous la présidence de Jean-Pierre. Trois cadres PNC à la mémoire courte, nous font un beau réquisitoire sur la belle conduite de mise en escale. Ils en sont devenus instantanément les meilleurs représentants oubliant un peu vite la réalité de l’univers PN agrémenté des bouteilles prélevés à bord sur ordre ou non du chef de mission. Oubliées aussi leur partage d’ambiances peu en accord avec nos manuels…. Bref, trois premiers de la classe zappant sur leur collègue cadre PNC voleur de super marché et ayant fait lui aussi l’objet d’un article dans journal (français de surcroît). A la suite de ce conseil, Gwen est dans l’état d’un petit sac en papier, vidé et flageolant, attendant un verdict final sous 15 jours à la main du Directeur de CDR.
Alors que le conseil se sépare, Jean-Pierre ne sent pas bien l’histoire de faire un exemple avec le cas de Gwen ayant pour seuls motifs réellement établis une arrestation équivoque, la perte de confiance de l’entreprise dans un de ses PNC et sans doute l’agacement émanant d’un entrefilet dans la presse de Rio. Jean-Pierre tourne à gauche vers les toilettes avant sa réunion avec le Président . C’est qu’il va en falloir des idées géniales pour ce « brain-storming » tardif ! Un pote de chez Festina le fournit en « poudre à idées », un mélange légal et secret issu de la compétition cycliste, c’est tout dire. Il ferme la porte des toilettes, plonge la main dans la sacoche de son ordinateur portable et en tire un petit sachet plastique thermocollé. Il se demande ce que fout ce cure-dent vert dans son sachet de « poudre à idées ». C’est la première fois qu’il y trouve un cadeau « Bonux ».

Romancée sur certains points et bien réelle sur d’autres points, mais relatant au plus près les déclarations de Gwen sur son aventure, nous espérons qu’elle vous inclinera à toujours plus de prudence quelles que soient vos escales de relève.
Vrais ou faux, les éléments mis en avant dans le cas de Gwen laissent apparaître un espace pour le doute, et nous souhaitons ardemment qu’à l’avenir, celui qui sera licencié le soit avec un dossier qui ne laisse, à aucune des parties, le moindre doute sur le bien-fondé d’un nécessaire licenciement.
Pour le cas de Gwen, il y avait la place pour le doute qui aurait dû lui éviter la porte. Certains premiers de la classe ne l’ont scandaleusement pas ressenti, tout comme le directeur de CDR qui a décidé de ce licenciement sans indemnités de surcroit.

Que la Compagnie s’inscrive à présent dans une politique de discipline plus sévère ne nous choque pas sous réserve que les « coups de pieds au cul » soient distribués pour tous quelque soit leur poste à Air France.

D’autre part, vu le point de départ de cette nouvelle politique, il convient de prévenir le personnel que cela va changer afin qu’au moins nous soyons tous au courant du simple fait que, par exemple, faire un pot dans la navette sur ordre du chef de mission, d’un cadre PNC ou d’un CCP, c’est bel et bien un vol de produit du bord et de la consommation d’alcool en uniforme, même si tout le PN le pratique de façon plus ou moins assidu.
Nous avons demandé à la Compagnie de communiquer sur la discipline ce qu’elle a fait très discrètement.

Nous serons plus clairs et plus précis en parlant du niveau des sanctions récentes :

Faire l’objet d’un article justifié ou non dans la presse locale de Rio : licenciement sans indemnité
Donner une bouteille de champagne à un accompagnant et la remettre dans les bars sur ordre du CCP : 15 jours de mise à pied sans solde
Troubler des clients de la piscine de Manille : 5 jours de mise à pied sans solde
Etc, etc… !
A bon entendeur, salut !

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