vendredi 10 octobre 2003

Volume 7

Banlieue parisienne, 11h00 locales.
Deux ans que je suis à Air France et c’est toujours une fête de recevoir ce Chronopost qui m’achemine à domicile mon bel uniforme. C’est trop top et j’épate mon pote avec qui je partage mon studio.
Ca ne se passe pas comme ça pour lui chez Mac Donald!
J’ouvre donc mon paquet sous son œil jaloux et inquisiteur. Tout y est, ma commande Gismau au grand complet. Génial, il y a même les fameuses chaussures Christian PELLET, chausseur depuis 1860, s’il vous plait, comme me l’indique fièrement la boite. Dès l’essayage du pantalon, mon pote se bidonne car les ourlets ne sont pas faits. Les vestes sont un peu trop grandes mais tant pis, je ferai avec.

Banlieue parisienne, 6h30 locales, le lendemain.
Je m’engouffre dans le métro, direction Balard car le trajet le plus court vers CDG ne comporte pas moins de 33 stations, une correspondance à République et une à Gare du Nord. Je passe la correspondance de République le pied léger mais celle de Gare du Nord me fait dire que Christian Pellet aurait mieux fait de ne faire que des boites mais surtout pas de chaussures ! La bande de skateurs qui passe près de moi louche sur mon sac de cabine. Pas un regard pour mes chaussures Chris PEL, ils sont plus branchés Vans, Globe ou Nike. Ces gars là n’aiment pas souffrir! Quand je pense que leurs six paires de chaussures représentent mon salaire en B-scale, je suis dégouté.
C’est curieux d’entendre et de lire sans arrêt que mon poste de PNC est parmi les plus importants dans la chaîne commerciale et que ce soit le moins bien payé de la Compagnie….J’ai du mal à comprendre, la fatigue sans doute. Il est vrai que je me remets à peine de mes trois levers tôt précédents.

Gare RER, station Aéroport CDG , 8h00 locales.
Slalom entre les piliers multicolores du hall du RER, mauve, jaune, orange, bleu et vert pomme. Skyteam et ADP, même combat pour le bon goût. Je pointe pour le découcher Marseille. L’agent de la banque me lâche que je ne vais plus à MRS mais que je fais cette merveille d’Amsterdam, découcher Toulouse et enfin Vienne pour une dernière valse. Là, je me dis vraiment que mes Chris PEL neuves sont une très mauvaise idée. En salle de briefing, une CC m’accueille au milieu de ses papiers. Le briefing commence grave avec tout un speech sur le lien étroit entre la ponctualité et le cours de l’action AF. J’avais entendu dire que certains CC s’étaient mal remis de leur séjour dans les capitales européennes où des cadres PNC les Teambuildaient voire même les faisaient se Teambuilder entre eux. Ignoble. Certains esprits fragiles en revenaient sérieusement esquintés. J’étais devant un spécimen de cette outrageante manipulation. Il paraît même que pour les fortes têtes avait été mis en place le Teamcoaching. Tendance plus SM selon ceux qui en sont revenus avec l’esprit intact. Pour ce que j’en ai à faire ce n’est de toute façon pas trop grave et mes Chris PEL me font tellement mal que je ne l’écoute déjà plus.

Parking F08, température extérieure –3°, température intérieure de l’avion – 6°.
Nous continuons au pas de course vers l’avion. Il y fait un tel froid que mes pieds s’engourdissent dans mes Chris PEL pour mon plus grand bonheur. Ces avions bien glacés le matin, ça me fait dire que chez nos futurs alliés tchèques, ça doit pas être triste non plus.
Ont-ils les fameuses ” moonboots ” à pois dont tout le monde parle et qui s’accordent à merveille avec leurs rideaux ?
Je l’espère pour eux !
C’est dans ce froid de voleur que nous accueillons les bougons matinaux qui en ont ras le seau de montrer leur carte d’embarquement. Parqués dans le bus durant 20 minutes, certains sont surchauffés alors que d’autres sont à décongeler…. Chaud, froid, attente, le secret des ambiances réussies. Afin de pas ternir cette belle harmonie, je ferme les yeux sur quelques clients Tempo, plus sherpas qu’en accord avec la réglementation bagages.
Le vol vers AMS se passe sur les chapeaux de roues et je n’ai vraiment pas le temps de me dire que servir ce petit déjeuner cavalcade aura un rapport avec les 19,70 Euros de l’action AF. Au vu de leurs regards compatissants vers leurs voisins, je me dis que deux de nos passagers Tempo Challenge ne regrettent pas leurs plateaux oubliés par Servair. Descente sur fond de débarrassage.

Amsterdam, température extérieure – 5°.
Atterrissage à Schippol où il fait aussi un froid de gueux. Je m’en satisfais à cause de mes Chris PEL qui j’en suis sûr maintenant sont faites exclusivement pour la banquise tellement j’ai chaud dedans.
Je me jette sur mon encas et dévore instantanément ma barre de Grany au chocolat sous l’œil pas jaloux d’un agent de nettoyage. Mon assortiment de Maître Prunille ne l’émeut pas non plus. Son aspirateur d’un autre âge fait un bruit épouvantable et me vrille les oreilles au point que je n’entends pas arriver le premier passager. Les bougons sont tous les mêmes, ici ou ailleurs. Un peu las de ce relationnel limité, mes pensées s’évadent vers mon dernier stage CRM. Je ne me souviens que de la cassette sur l’alimentation où un commandant de bord nous évoquait doctement le pourquoi du comment bien manger. A bien y réfléchir quelques pourquoi et comment sont toujours sans réponse.
Comment je fais pour me poser ne serait ce que 5 minutes peinard pour manger ?
Pourquoi dois-je manger en guise de repas des barres de céréales dans des courants d’air glaciaux?
Pourquoi dois-je trimballer ma bouffe au gré des changements de machine ?
Pourquoi dois-je manger dans les miasmes soufflés par des aspirateurs agonisants ?
Bref, cet excellent CRM était plutôt un rappel sur le fait que lui et ses collègues doivent manger souvent pour être bien dans leurs chaussures et ne pas faire tomber l’avion. Reçu fort et clair, merci commandant.

Roissy CDG, trois heures de béton.
Les non-fumeurs s’écroulent dans la cabine envahie par le nettoyage et l’hôtellerie, tandis que les tabaco-dépendants filent s’adonner à leur vice à l’aérogare. Pour ma part, je tente de déguster ma tranche de francité sous forme d’une collation chaude. Question variété, c’est loupé car j’entame pour le troisième jour de suite une salade de lentilles en entrée et une cassolette de poulet-riz en plat chaud. Mon rôle d’ambassadeur de la gastronomie française en prend un sérieux coup. Quant à l’ambiance intérieure de mes chaussures, elle est proche du hammam. Je n’ai pas avec moi la deuxième paire préconisée par le constructeur afin de les laisser sécher. Dommage…Arrivée de nos nouveaux PNT tout frais. Le CDB en totale contradiction avec le précédent nous fait un briefing sécurité-sûreté plutôt rassurant….
La régulation du trafic nous impose un créneau de 2 heures qui nous scie les pattes avant de reprendre le collier.

Arrivée à Toulouse, 19h00.
Bien cassés que nous sommes, personne ne veut conduire la voiture de location, seul le modèle récent tempère les réticences d’un Schumacher méconnu. La fatigue aidant, nous nous plantons dans l’itinéraire et prenons la première bretelle, entamant ainsi une visite nocturne de la «ville rose» sur fond de ronflement d’un de mes collègues. Son prothésiste a fait du bon boulot…

Arrivée à l’hôtel Paladia, 21h45.
Douche, pipi, les dents et au lit.

Réveil à l’hôtel Paladia, 9h00.
Pipi, douche, les dents, mes Chris PEL, café, Hertz….

Descente vers CDG.
Le CDB nous transmet un message ACARS annulant le VIE. Ouais, génial! mais au profit d’un BUD, beaucoup moins génial avec un nouveau changement d’avion et de PNT.

Roissy, attente de l’avion.
L’usine à gaz des rotations dégroupées PNT/PNC/avion, grande prêtresse des retards montre l’étendue de son talent pour le plus grand bonheur de la machine à café de la salle bagage. Entre chocolat chaud et Mars pour que ça reparte, notre CC s’adonne aux plaisirs du calcul du nouveau TSV. Surprise, ça ne passe plus. Un passage au suivi planning lui vaut un cours circonstancié sur ses erreurs de calcul. L’affabilité de l’agent me le rend suspect mais la confirmation de l’ASSIX me rassure. Navette, avion….
Notre nouveau CDB, un gastronome, en totale contradiction avec le précédent nous fait un briefing sur son plateau repas. Plutôt pas rassurant….

Budapest, Hongrie.
«Hongroyais» pouvoir faire confiance aux calculs du suivi planning et de l’Assix mais une lecture plus fouillée de l’Accord nous confirme que nous nous sommes faits sérieusement enfumer….pour ne pas dire autre chose. Le débarquement était nécessaire à CDG. Mes Chris PEL me rappellent, mais un peu tard que l’on ne m’y prendra plus.

Parking B05, au large.
Après le fort succès commercial du débarquement par bus, nous nous sentons un peu seuls. Une seule navette vous manque et tout est dépeuplé!

Roissy, salle bagages, 22h45 locales.
C’est fou comme parfois une CC ou un CC peuvent paraître lobotomisés grave lorsqu’il font leur briefing et comme ça peut bien se passer par la suite dès que nous partageons la même VRA qui ne roule pas ou dont tous les plateaux sont renversés ou le même suivi-planning. Nous nous quittons plutôt potes d’autant que je lis dans ses yeux qu’elle aussi a mal aux pieds. En pensant à mes correspondances de Gare du Nord et de République, je maudis celui qui n’a sûrement jamais essayé les redoutables Chris PEL mais qui a décidé que nous allions les porter….

A suivre…