mercredi 13 août 2003

Volume 5

Madagascar, 3h15 locales, parking.
La crise de foie n’est pas loin. Trop de foie gras poêlé sans doute ! Le réseau radio entre Tananarive et Paris est occupé par la résolution d’un problème majeur. Depuis déjà 4 heures, notre A 340 est bloqué au sol à cause d’une panne générale de toilettes. Plus exactement, l’information qu’envoie le microswitch de la trappe de vidange vers l’ordinateur central n’est pas la bonne. Bon, bref, ça fait donc 4 heures que nous organisons des voyages
« pipi caca » vers l’aérogare pour nos passagers qui, bien entendu, sont à bord depuis le début de nos problèmes sanitaires. La cabine est plutôt calme et assoupie. Nous nous appliquons à ne rien servir qui pourrait nuire à cette belle sérénité, d’autant que sans toilettes… Même chose côté vidéo où le plus grand mutisme est de mise, cette dernière faisant sa capricieuse. Trois resets successifs n’ayant pas pris moins d’une heure et demi. Le puissant manuel Muse n’est d’aucune aide, bien au contraire. Je fais appeler notre assistance locale, deux mécaniciens de Sabena. Leur accent me réjouit et je devine tout de suite en eux, des experts. Il n’ont jamais vu ce modèle mais n’hésitent pas une seconde à faire un quatrième reset. Ben voyons, pourquoi s’en priver, une fois !

Madagascar, toujours au parking.
Quelques sournois de la cabine Tempo profitent du remplissage médiocre de la cabine Espace pour s’y installer. Pour la majorité et malgré leur lassitude, tous retournent à leur place sur la demande du CC. Tous sauf un. Un qui fait d’abord l’endormi et que je secoue donc un petit peu. Quelques bourrades plus tard, l’endormi se transforme immédiatement en râleur. Je suis à priori bon gars mais j’ai horreur des mals aimables qui m’envoient valser du haut de leurs Miles Fréquence +. Il a bien fait de me mettre sur la piste car non content d’abuser de l’hospitalité des PNC Espace, il le faisait avec un billet AWOO, 0 franc 0 centime, gratuit quoi ! Je lui calcule rapidement ce qu’il aura à payer à Paris s’il insiste. Pas têtu ou économe, il n’insiste pas. De plus, il n’avait pas le seul argument qui aurait pu me faire vaciller, à savoir de ne pas supporter la nouvelle harmonie Tempo, cette dernière n’ayant pas encore été massacrée par les malveillants de l’Harmonie Cabine. Retour au siège initial pour le rouspéteur économe, sur fond de menaces de lettre à Jean-Cyril.

Madagascar, parking encore.
Les ondes continuent de porter peu de messages d’espoir pour nos toilettes quand soudain l’astuce suprême ou plutôt le coup de poker nous est proposé. Un zéro électrique dans tout l’avion, histoire de voir ce que ça fera. Un gros reset en quelque sorte. Non, à Paris, ils sont forts, c’est indéniable.
Passagers prévenus, PNC lampe à la main… Pas si vite que cela puisque ne la manipulant jamais certains d’entre nous ont du mal à l’extraire de son support.
C’est sans doute le propre de cette excellente formation qui nous fait tout manipuler par l’intermédiaire de l’EAO (enseignement assisté par ordinateur). Une grande réussite que ne manquera sans doute pas de rectifier Air France par un des ses excellents « Forums lampe électrique » à venir ou encore mieux, un petit livret d’autoformation.
Je reprends donc ; passagers prévenus, PNC lampe à la main. Plouf ! Plus de son, plus de lumière durant une minute. Tout le monde sauf nous roupille et la coupure n’est pas remarquée. Lumière à nouveau. Mon excellente vidéo Rockwell ne se désolidarise pas de la coupure et entame un cinquième reset qui lui prend 20 minutes. C’est le propre des avions de pointe d’utiliser des microprocesseurs d’un autre âge que nos enfants nous jetteraient à la tête. Le 486 DX 2 patine pour son cinquième reset de la matinée.

Madagascar, parking toujours.
Toujours pas de toilettes, mais par contre les bonnes idées affluent de Paris. Sans doute, le lever du jour là-bas qui les stimule, ou le changement d’équipe ? « Essayez de partir comme ça, vous verrez bien en vol » dit la voix parisienne. Je me pince, quatre heures d’attente pour ça, bravo ! De notre côté pas de changement d’équipe et donc pas de stimuli salvateur.

Croisière.
Le pire, c’est qu’une fois en vol, côté toilettes, ça marche. Beaucoup plus mollasson, côté vidéo qui patine toujours.
Ce début de croisière est le moment que choisit le copilote pour venir se plaindre auprès de moi du mauvais traitement que nous faisons subir à son épouse en GP. Je résume. Nous avons osé placé un autre GP à côté d’elle en J et de plus quelques professionnels de l’Alliance Skyteam ont préféré donner le choix d’entrée et de plat chaud à des passagers payants plutôt qu’à elle. Apprenant qu’elle est hôtesse elle-même, les bras m’en tombent. Ca ne m’aide pas à faire passer mon foie gras.

Descente
Je remets l’ACL qui comporte 10 lampes à reconditionner. Le commandant ne comprend pas pourquoi nous avons utilisé toutes les lampes pour notre minute nocturne. Je n’aime pas ne pas me sentir en phase sur les choses évidentes avec mon chef de mission, responsable sécurité de surcroît. Afin de l’aider dans sa réflexion, je lui pose donc quelques questions sous forme d’un QCM où toutes les réponses sont bonnes car je n’aime pas non plus mettre mes chefs en difficulté.

a) Pour rassurer les passagers ?
b) Pour les guider en cas de problèmes ?
c) Car Air France ne fournit pas de lampe individuelle au PNC ?
d) Pas pour se dire que nous allions économiser 10 rhodoïds de protection de lampes ainsi que 10 plombages par QL ? Je dis cela car je sens l’actionnaire inquiet….

Il fait un sans faute et remonte d’un cran dans mon estime. C’est si bon d’être en phase.

A suivre…