jeudi 16 septembre 2004

Coupable ou non coupable ? En tout cas licencié !

J’avais connu des rendez-vous plus gais et plus stimulants. Celui de ce jour, Batiment 3, 3ème étage, salle 095 à 15h30 déciderait de l’avenir de Gwen. Pour cela avait été réuni 8 PNC et Jean-Pierre présidait cette réunion.
On appelait cela un Conseil de discipline, ce conseil devait donner un avis sur le licenciement demandé de Gwen.
Huit PNC donc, trois délégués du personnel et trois cadres PNC, Gwen et son défenseur de l’UNAC. Parmi les trois cadres PNC, le seul que je connaissais me laissait le souvenir attristé de sa promptitude à se jeter dans les postes de repos. Les deux autres m’étaient inconnus mais l’un d’eux s’illustrerait brillamment dès la semaine suivante dans une sordide histoire d’arnaque du CE CDR Lignes pour son accompagnant. Bref, le conseil pouvait statuer légitimement.

Mais revenons à ce qui nous amenait Gwen et moi à prendre une belle leçon de moralité par des sujets de l’encadrement PNC triés sur le volet.

L’emballage des sachets se faisait méticuleusement afin d’éviter toutes pertes et la fermeture par thermocollage réalisée par Pablo finissait parfaitement cette opération. Ronaldo en bout de cette courte chaîne conditionnait les sachets par cartons de 5 kg. Ce nouveau format permettait une logistique plus réactive aux aléas multiples du routage. Dès que la camionnette barbouillée aux couleurs d’Alitalia serait chargée des 50 cartons, Ronaldo et Pablo fileront boire une bière bien méritée à Ipanema.
Sous un ciel maussade d’octobre, Gwen traversait la campagne angevine à bord du TGV Rennes Roissy CDG. Steward du groupe 26, il partait pour Rio de Janeiro, une de ses destinations habituelles. Une nuit à l’hôtel Baladins et départ pour Rio le lendemain.

Dès le réveil, Jean-Pierre mit machinalement en route son PC portable pour le connecter à internet. Seul le cours de clôture de la veille de l’action AF le souciait. 8,67 €, la menace de conflit avec les pilotes n’aidait pas à la remontée, le tout sur fond de privatisation. Son achat récent (5000 actions France Télécom à 8,05 € au lieu d’actions AF) lui remonta le moral. Son bénéfice potentiel de 35000 € effaça tout remords en rapport avec son poste de conseiller de la Direction Générale de la Compagnie. Il lui faudra tout même trouver l’idée qui dénouera ce conflit PNT. Sa formation de haut niveau lui fournissait toutes les armes pour tenter de faire entendre raison aux pilotes ou de les enfumer avec un accord bidon basé sur un bricolage des temps médians. Parmi ses e-mails, l’avocat de son ex-femme lui signifiait ses dernières exigences. La journée à peine commencée et la tête déjà farcie de problèmes, il entra sous la douche. Habillé chaudement, il relia Passy à Roissy en 30′ grâce à son scooter Suzuki 650 Burgman. Impensable en voiture à cause du salon international de l’Alimentation et de ses libations génératrices d’embouteillages.

Le thermocollage des sachets avait débuté le mois précédent avec l’arrivée d’une machine qui servait le jour aux paquets d’appâts de pêche au gros du magasin du frère de Ronaldo. Cette méthode garantissait une étanchéité parfaite mettant en défaut les chiens des douanes du port de Rotterdam ou d’ailleurs, sous réserve de noyer le tout dans du café moulu. Pablo n’avait, quant à lui, aucun souci de divorce ou de CAC 40 mais l’arrivée de son petit troisième, le faisait s’inquiéter pour l’avenir de son boulot. Un peu distrait par ses pensées et par la radiodiffusion d’un match du fameux derby carioca « Fla-Flu » contre « Fluminense », il scella dans le dernier sachet un cure-dent en plastique vert tombé de ses lèvres.

Gwen aimait Rio bien qu’il y notait une montée alarmante de la délinquance ; Plus rien à voir avec ce qu’avait connu les anciens. Quelques caïpirinhas du pot équipage aidant, il décida de retourner tout de même dans ce resto sympa, la « Garota de Ipanema ». Le taxi le déposa avec trois autres PN curieux, nostalgiques ou économes. Les tarifs de la « Garota » étaient sans rapport avec ceux du Méridien. Le dîner sur fond d’histoires drôles et de souvenirs locaux passa rapidement, agrémenté de bières Molson puis de dernières caïpirinhas. Des Brésiliens avaient rejoint leur table. C’était l’occasion de parler ce brésilien si chantant mais aussi d’entamer une approche de Pablo dont le regard à damner un saint ne laissait pas Gwen insensible. Les conversations avec Pablo tournèrent rapidement sur le football et l’avenir de Romario, suite à sa récente blessure au genou. Les façons de draguer se valent toutes seul le résultat compte. Retour à l’hôtel pour Gwen un peu cassé alors que d’autres filaient vers les lieux de perdition nocturnes. Pablo, plus calin que farouche repartit avec Gwen, direction l’hôtel Ipanema, hôtel de passe plus discret que le Méridien. La route, la chaleur, les bières achevèrent Gwen qui se réveilla à l’accent chantant de policiers brésiliens effectuant un contrôle de routine. ” Os gentlemen, boa noite, control polícia, saem do carro ! ” Papiers, fouille et 5 grammes de cocaïne dans la poche de Gwen. Sans doute un cadeau de Pablo déjà connu comme dealer et prostitué patenté par les services de police.

Arrestation de Gwen, évaporation de Pablo, poste de police, angoisse du suspecté trafiquant. Racket de la police, fric volé, montre de même. Libération sous condition qu’il reconnaisse être consommateur et sur intervention de l’escale, voire du consulat. Retour CDG en fonction. Pour couronner le tout le journal « Ho Dia » torchon local mis l’accent sur l’ignoble steward de la Compagnie arrêté avec de la cocaïne.

Jean-Pierre gara son scooter au parking du siège. La journée s’annonçait dense comme lui signifia le planning de son Palm pilot :
10h00 : point sur négo PNT
12h15 : déjeuner avec chef PNC CDR AME pour caler exigences disciplines et infos de dernières minutes
15h30 : Présidence conseil de discipline de Gwen et merde…
19h00 : réunion Spinet pour « brain storming » grève pilotes et privatisation.
Depuis 20 jours que Gwen est en mise à pied conservatoire, il a fait tous les examens le prouvant non-fumeur de cannabis et sans trace de cocaïne ou autre substance. C’est le dossier qu’il a sous le bras pour rentrer dans la salle du conseil de discipline. Exposé des faits, accusation, défense, sous la présidence de Jean-Pierre. Trois cadres PNC à la mémoire courte, nous font un beau réquisitoire sur la belle conduite de mise en escale. Ils en sont devenus instantanément les meilleurs représentants oubliant un peu vite la réalité de l’univers PN agrémenté des bouteilles prélevés à bord sur ordre ou non du chef de mission. Oubliées aussi leur partage d’ambiances peu en accord avec nos manuels…. Bref, trois premiers de la classe zappant sur leur collègue cadre PNC voleur de super marché et ayant fait lui aussi l’objet d’un article dans journal (français de surcroît). A la suite de ce conseil, Gwen est dans l’état d’un petit sac en papier, vidé et flageolant, attendant un verdict final sous 15 jours à la main du Directeur de CDR.
Alors que le conseil se sépare, Jean-Pierre ne sent pas bien l’histoire de faire un exemple avec le cas de Gwen ayant pour seuls motifs réellement établis une arrestation équivoque, la perte de confiance de l’entreprise dans un de ses PNC et sans doute l’agacement émanant d’un entrefilet dans la presse de Rio. Jean-Pierre tourne à gauche vers les toilettes avant sa réunion avec le Président . C’est qu’il va en falloir des idées géniales pour ce « brain-storming » tardif ! Un pote de chez Festina le fournit en « poudre à idées », un mélange légal et secret issu de la compétition cycliste, c’est tout dire. Il ferme la porte des toilettes, plonge la main dans la sacoche de son ordinateur portable et en tire un petit sachet plastique thermocollé. Il se demande ce que fout ce cure-dent vert dans son sachet de « poudre à idées ». C’est la première fois qu’il y trouve un cadeau « Bonux ».

Romancée sur certains points et bien réelle sur d’autres points, mais relatant au plus près les déclarations de Gwen sur son aventure, nous espérons qu’elle vous inclinera à toujours plus de prudence quelles que soient vos escales de relève.
Vrais ou faux, les éléments mis en avant dans le cas de Gwen laissent apparaître un espace pour le doute, et nous souhaitons ardemment qu’à l’avenir, celui qui sera licencié le soit avec un dossier qui ne laisse, à aucune des parties, le moindre doute sur le bien-fondé d’un nécessaire licenciement.
Pour le cas de Gwen, il y avait la place pour le doute qui aurait dû lui éviter la porte. Certains premiers de la classe ne l’ont scandaleusement pas ressenti, tout comme le directeur de CDR qui a décidé de ce licenciement sans indemnités de surcroit.

Que la Compagnie s’inscrive à présent dans une politique de discipline plus sévère ne nous choque pas sous réserve que les « coups de pieds au cul » soient distribués pour tous quelque soit leur poste à Air France.

D’autre part, vu le point de départ de cette nouvelle politique, il convient de prévenir le personnel que cela va changer afin qu’au moins nous soyons tous au courant du simple fait que, par exemple, faire un pot dans la navette sur ordre du chef de mission, d’un cadre PNC ou d’un CCP, c’est bel et bien un vol de produit du bord et de la consommation d’alcool en uniforme, même si tout le PN le pratique de façon plus ou moins assidu.
Nous avons demandé à la Compagnie de communiquer sur la discipline ce qu’elle a fait très discrètement.

Nous serons plus clairs et plus précis en parlant du niveau des sanctions récentes :

Faire l’objet d’un article justifié ou non dans la presse locale de Rio : licenciement sans indemnité
Donner une bouteille de champagne à un accompagnant et la remettre dans les bars sur ordre du CCP : 15 jours de mise à pied sans solde
Troubler des clients de la piscine de Manille : 5 jours de mise à pied sans solde
Etc, etc… !
A bon entendeur, salut !

mercredi 9 juin 2004

Coups de pied au cul et bisous sur la bouche



Instituteurs, professeurs, adjudants chefs et j’en passe, tous ou presque usaient de façons diverses de méthodes coercitives si besoin était.
En ces époques « reculées », je sentais déjà que ces fameuses méthodes sous forme de gifles, oreilles tirées ou coups de pied au cul étaient diversement dispensées
.
Sans être de façon permanente avec les oreilles en choux-fleurs, je n’étais pas non plus le dernier servi. Une chose était certaine, sauf quelques surdoués ou lèche-culs émérites, personne n’échappait à la grande distribution.

Les années ont passé et me voici donc à la Compagnie et curieusement ce trouble sentiment de justice semble s’évanouir. Je pourrais vous exposer les indices qui me mènent à cette réflexion mais je préfère vous livrer plus simplement l’expérience récente d’une de mes collègues afin que vous en goûtiez mieux tous les aspects.

Ce vol vers Mexico s’annonçait sous les meilleurs auspices, bien que fortement encadré par un cadre PNC en lâcher d’un autre cadre PNC temporaire.

Par chance le cadre en CCP et « lâcheur de cadre » avait prépositionné en P4 un de ses amis et collègue steward. Un coup de pot car cela m’évitait ainsi de travailler à ce poste en zone sous haute surveillance.
Par ailleurs, le fameux P4 ne me manquait pas puisque ce dernier avait déjà saoulé tout le monde avec sa maladie incurable. Désolé pour lui mais pas de mon ressort. Cela ne justifiait pas en tout cas la forte médiatisation de sa terrible atteinte sans doute en vue de recherche d’impunité.
Une fois l’embarquement terminé et l’accompagnant du cadre PNC surclassé en P, je goûtais les délices de travailler dans un zone éloignée de ce gisement de professionnalisme.

Totalement dans ses prérogatives, le cadre CCP « lâcheur de cadre » m’avait autoritairement positionné en P11 à mon grand soulagement.

Les passagers de ce vol vers Mexico étaient plutôt plaisants. Même les passagers P, dont aucun ne fit de remarque sur la tenue quelque peu négligée pour la classe 180 de notre accompagnant de CCP cadre en lâcher de cadre.
Bref, tout se passait pour le mieux, outre l’ordinateur de ventes à bord qui ne voulait rien faire d’autre que des longs et répétés inventaires papier. Une fois les acheteurs déçus renvoyés à leur place et les kilomètres de papier ramassés, nous entamions sereinement Richard et moi un tour de garde émaillé de fuite de toilettes et de soiffards en manque d’alcool.

Un court instant de répit nous fit nous retrouver Richard, jeune PCB, et moi pour une courte pause au galley arrière, bien calés sur nos sièges Trigano.
C’est le moment que choisirent le CCP cadre « lâcheur de cadre » et son pote P4 pour faire leur entrée au galley. Instantanément, les nouveaux venus affichèrent vis à vis de Richard un fort intérêt qui me rappelait l’ambiance de drague des bars gays du Castro de San Francisco.
Pour y avoir traîné quelquefois avec des potes homosexuels, j’y avais trouvé l’ambiance agréable et assez éloignée des stéréotypes de notre culture cinématographique.
Bien qu’en pantalon, mon intuition féminine me dit que les deux compères n’étaient pas là pour moi.
Je n’ai rien contre de la drague directe si cette dernière m’évite les gros lourds qui ne pensent qu’à me sauter en me montrant les photos de leurs enfants, femmes, chiens et maisons.
Les assauts auxquels j’assistais étaient quant à eux teintés de la pression hiérarchique d’un cadre PNC envers le pauvre Richard qui ne rêvait que d’entrer dans le compacteur de déchets.

Son malaise faisait peine à voir. Il faut dire que les acolytes n’y allaient pas avec le dos de la cuillère :
« Tu crois qu’il en est ? » disait l’un.
« Il n’y a pas de doute ! » surenchérissait l’autre oubliant un peu vite son accompagnant vautré en 180.
Dégueulasse ! Ils ne l’avaient bien sûr pas touché et encore moins violé mais la sensation était tout aussi pénétrante…
Je vous en parle maintenant car je n’ai pas hurlé à l’époque face à ces gros dégueulasses et je le regrette.
Je vous en parle maintenant pour que vous n’hésitiez pas à hurler dans des situations similaires et ce bien entendu toutes sexualités confondues.

Je vous en parle aussi car si se mêle à cela un rapport hiérarchique cela aggrave la situation.
Fort heureusement les cadres PNC ne sont pas, pour leur grande majorité aussi tordus que le CCP cadre « lâcheur de cadre » précité.
Néanmoins, nous connaissons tous le redressement de discipline qu’est en train d’entamer la Compagnie face aux dérives de certains d’entre nous.
Bagarres, vols, insultes, toute la gamme des écarts amène l’encadrement à sanctionner le PNC.
Rien que de très normal, pour ces brillants sujets.
Un peu moins normales, les sanctions démesurées pour des dérives plus légères.

Pas normal et même insupportable, le laxisme de la Direction face aux écarts de prérogatives du cadre PNC « lâcheur de cadre » que nous avons dénoncé récemment auprès de cette dernière.
Une sanction sur un cas aussi lourd, penses-tu !
Le surdoué sévit toujours sur le protecteur Secteur D de son CDR.


Nous disions récemment à propos de B scale, même travail, même salaire. Nous réaffirmons cette devise de façon disciplinaire : « Même cochonerie, même sanction ».
De la même façon nous imaginons mal un PNC, CCP, CC ou HOT/STW avec les mêmes casseroles au cul et impuni. Pas vous ?

mercredi 7 avril 2004

Coup de gueule

Je vole pour Air France, Air France me vole
Dès l’entrée dans la salle de briefing, j’avais senti cette ambiance lourde presque électrique.
C’est vrai qu’avec nos vingt ans d’ancienneté nous étions les seuls, la CC et moi, à ne pas être B-scale.
Depuis quelque temps, ce sujet de la double échelle de salaire revenait de façon récurrente sur le tapis.
Pas étonnant puisque maintenant la moitié d’entre nous n’étaient pas payés comme les autres pour le même travail.
Ca foutait une ambiance de merde sous réserve qu’un déclencheur l’attise.
Le déclencheur du jour avait été le tract de l’UGICT-CGT ” les B-scale parlent aux B-scale “.
Comme d’habitude, je commençais le briefing en me présentant comme Délégué du Personnel UNAC.
La tête des nouveaux embauchés que j’avais face à moi me fit dire immédiatement qu’ils me prenaient pour un pourri de syndicaliste acheté par la Direction d’Air France.
J’adore recevoir des leçons lorsqu’elles sont justifiées, à contrario, injustifiées elles m’agacent un peu pour ne pas dire prodigieusement.
Du coin de la salle de briefing, un steward me lâche alors une phrase extraite du tract de l’UGICT ” A travail égal, salaire égal “. Qu’en penses-tu ?
Je me délecte de ces slogans assassins et si vrais qu’il n’y a rien à y répondre.
Du moins, moi je ne trouve rien à argumenter à cela sauf à chercher dans mes souvenirs de 3 années de piquets de grêve de l’UNAC de juillet 1995 à juillet 1998.
Car à cette époque là, pour entendre des conneries, j’en ai entendu par caisses de douze à chaque fois que j’essayais de convaincre un ancien ou un nouvel embauché que cette B-scale était la pire vermine que l’on puisse faire rentrer dans notre communauté.
A l’époque, notre slogan était : « même travail, même salaire »
Ce slogan et nos grèves avaient fait le plus grand flop que puisse craindre un syndicat, et une majeure partie des anciens et nouveaux ne se reconnaissait pas dans cette idée simple, généreuse et tellement JUSTE.
• 52 jours de grève en trois ans !
Voilà ce qu’a duré le calvaire des grévistes de l’UNAC qui ont eu la très bonne idée, à la création de la B-scale, de faire grève contre cette dernière.
• 52 jours à se faire envoyer chier lors du piquet de grève en voyant partir des non grévistes.
• 52 jours à pleurer auprès des autres syndicats pour qu’ils daignent participer au conflit.
• 52 jours à s’engueuler avec des copains non grévistes, ex-copains depuis !
• 52 déstabilisations de planning.
• 52 jours de piquet de 5h00 à 23h59.
• 52 jours de salaire en moins.
• 52 trentièmes de PUA et de treizième mois perdus ou donnés au patron.
• 52 jours à se faire incendier par les «contre piquets de grève» recrutés parmi les «meilleurs» de l’encadrement PNC et PS.
52 jours à planter notre banderole “Je vole pour Air France, Air France me vole” à l’entrée de la Cité.
3 années sans désidérata.
1 jour où la Direction d’Air France nous a volé notre banderole.
1 jour de campagne de pub TV Air France contre nos grèves, du jamais vu…
Les justifications des briseurs de grève étaient tout aussi diverses qu’infondées. Parmi les plus belles conneries que nous avons pu entendre à l’époque, je vous les livre en vrac comme nous les avons reçues, à savoir en pleine gueule.
” Je veux devenir cadre PNC… “
” Je viens d’acheter une télé 16/9, j’ai besoin de fric “
” Je suis en desiderata “
” Le SNPNC n’appelle pas à la grève “
” Je me marie la semaine prochaine… “
” J’ai un accompagnant sur le vol “
” Dans 6 mois, je prends le plan de départ… “
” Moi, je suis à la CGT PNC, ils ne sont pas en grève cette fois-ci “
” Je suis en vol couple… “
” Je suis sur le point d’être cadre PNC… “
” FO n’est pas en grève “
” Mais moi, en B-scale, j’ai signé un contrat avec lequel j’étais d’accord “
” Pourquoi je ferais grève alors que les B-scale n’en ont rien à foutre “
” La CFDT ne fait pas grève “
” Pourquoi je ferais grève puisque la B-scale ne me concerne pas “
” T’es fou, je pars en compo-peq et ça paye “
” Je ferai grève quand tous les syndicats feront grève”
” Je suis cadre PNC, la B-scale c’est la survie d’ AF “
” La CFTC n’est pas en grève “
” Deux jours de grève, c’est pas assez… “
” Il y a six mois que je ne suis pas allé à Tokyo “
” Et ma sélection CC ? “
” J’ai déjà pointé “
” Je suis en saison CCP ! “
” Je suis monté de Marseille “
” Je ne savais pas que vous êtiez encore en grève “
” Je suis mariée à un cadre PNC “
” Je suis PNT, votre combat est foutu… “
” Vous allez tuer l’entreprise “
” Je viens d’UTA mais le combat a changé “
” Je suis d’Air Inter et j’arrive sur le long courrier”
” Les B-scale sont ravis de ce qu’ils touchent “
” Regarde ce qui se passe ailleurs “
” Moi, j’ai voté OUI au référendum de Blanc “
” Mes parents ne comprendraient pas… “
” Les B-scale sont mieux là qu’à l’ANPE “
” Ca sert à rien, les avions partent quand même “
(3/4 suite ->)
” Je gagne plus d’argent que les gens de mon village, ils ne comprendraient pas “
” Je dois acheter un maillot de bain à Caracas “
” J’ai acheté une nouvelle Renault Espace “
” M’enfin, je suis cadre, voyons”
Autant vous le dire clairement, sur ce sujet, nous n’avons de leçon à recevoir de quiconque.
Et si c’était à refaire, nous referions la même chose avec autant de conviction et surtout l’espoir d’une participation meilleure à nos grèves.
Notre conviction est, a toujours été et restera :
« même travail, même salaire » et non pas : «ça sent bon les élections, enfilons les convictions… des autres»
Sans avoir éradiqué cette foutue B-Scale, l’UNAC en a considérablement réduit les effets et contractualisé ces améliorations pour la première fois de notre histoire dans un véritable accord collectif, à la hauteur de la mobilisation des PNC.
Quitte à approfondir la fracture sociale créée par la Direction, certains syndicats surfent actuellement sur le manque de recul des nouveaux PNC pour faire, à leur avantage, de la « reconstitution historique » à propos d’un passé pourtant récent.
A contrario, convaincue que nous ne nous en sortirons pas les uns sans les autres, l’UNAC continue le combat dans un autre cadre, celui de l’évolution de l’Accord Collectif, et cela pour tous les PNC, anciens et nouveaux embauchés.
Prenons garde au marketing syndical en période électorale qui consiste à monter les générations de PNC les unes contre les autres quitte à déglinguer la profession PNC.

mercredi 7 janvier 2004

Volume 10

De nombreux PN se sont reconnu dans mes tribulations. Certains d’entre vous et je les en remercie se sont attachés à me fournir leurs sujets d’énervement. Il est donc tant de les exploiter et donc de poursuivre mes tribulations en racontant les votres…
 
Maurice Herzog, Guillaumet et Mister Freeze avaient tous raison !

Le froid vrillait, écorchait, tétanisait et rendait toute progression difficile.
Le vent n’arrangeait rien et ses rafales glacées transperçaient allégrement ma sur veste d’uniforme et sa doublure minable.
Fatigué par le vol Paris Newark et ses insupportables passagers Fréquence +++, je traînais laborieusement ma valise dont les roulettes gelées ne tournaient déjà plus. Mes chaussures Christian Pellet de leur côté patinaient gaiement et j’en étais à ma troisième chute évitée de justesse. L’image de Guillaumet traversant les Andes avec ses sacs postaux sans roulette…me traversa rapidement l’esprit !
Bizarrement les PNT qui faisaient la trace devant nous semblaient ne pas souffrir du froid bien au chaud dans leurs sur vestes en microfibres et fourrure polaire qu’ils avaient payé moins de points Gismau que les nôtres.
Cette injustice ne m’énerva même pas, l’engourdissement cérébral sans doute…
Leurs boots fourrées semblaient aussi mieux adaptées que mes “Chris PEL”.
L’un des deux regarda la belle montre que lui avaient offerte ses chefs pour ce vol sur les fêtes de fin d’année. Il nous indiqua que nous avions déjà marché 10 minutes, soit deux « blocks ». Les PNT nous abandonnaient, non par lâcheté mais simplement car leur igloo était là, juste sur la droite.
Le moral de l’équipage PNC en prit un vieux coup et la suite de notre progression n’en fut pas facilitée. Heureusement les moins 8 degrés maintenait la neige sèche et seuls nos sauts trop courts au-dessus des caniveaux pleins d’eau et de glace nous détrempaient les pieds.
Certains d’entre nous avaient troqué leurs chaussures d’uniformes pour des chaussures personnelles plus chaudes. Baskets et Timberland, bien qu’éloignées des conseils vestimentaires de notre manuel de l’équipage de cabine, se mariaient à merveille avec nos uniformes tant masculins que féminins. De même quelques doudounes étaient sorties de valises ouvertes dans la neige.
Dans ma valise pour Rio, je n’avais rien trouvé d’adapté, execepté un paréo rose que je m’étais noué sur les oreilles évitant ainsi de les semer derrière moi !
Il nous restait six “blocks” à parcourir avant d’arriver à l’hôtel Millenium de NYC soit huit en tout depuis que la navette avait été bloquée par les festivités de Times Square pour le passage vers 2001.
Le chauffeur avait lâché avec son accent de la New Orléans : « You must leave now ! Good luck ! ».
Dans sa grande sagesse économe, AF ne fournissait pas de manteau ou d’imperméable aux “étudiants” qu’elle embauchait pour les vacances. Celle qui nous accompagnait était en pleurs à cause du froid. Une entrée de Mac Donald nous abrita pour un court instant, le temps de voir passer au loin l’équipage du vol retour dans le même état déplorable que nous !
Hé oui, cette galère était due à l’incompétence de l’escale de NYC qui pensait que Times Square était accessible un soir de 31 décembre. En fait, il n’en avait plutôt rien à foutre car ce devait être la même pagaille tous les ans !
C’est un peu comme donner rendez-vous à quelqu’un sur les Champs Elysées ce même soir. Ça ne viendrait à l’idée de personne sauf à ceux qui décident notre hébergement à NYC. Une telle bêtise me médusait.
Une chose est sûre, contrairement à l’équipage retour qui passait un cordon de police au loin, je n’aurai jamais quitté l’hôtel à pied pour une hypothétique navette.
Bon quant à nous il nous restait à fendre la foule compacte de Times Square pour traverser un large espace libre face à MTV. Palabre dans le blizzard avec un policier pour lui faire comprendre que des crétins avaient réservé pour nous des chambres au Millenium de l’autre coté de la place maintenue vide par lui et ses collègues. Notre allure l’a rapidement ému et fait fléchir.
A peine au milieu de ce no-man’s land, les flashs immortalisèrent notre décrépitude. Pour mon rôle de chef de notre minable file indienne, j’ôtais bêtement mon paréo rose au grand regret de mes oreilles mais pour la grandeur d’Air France et de Skyteam…
A suivre…

mercredi 10 décembre 2003

Volume 9

Quand tu ne vas pas à Rio…tu ne peux pas monter là-haut !
La route avait défilé rapidement jusqu’à Roissy CDG. Je déposai mon fils au terminal 2 afin qu’il s’enregistre sur le Paris Rio de Janeiro que j’assurai aujourd’hui. Ça faisait cinq ans que je n’avais pas bu de cahipirine et ça commençait à me manquer.
Le télégramme du suivi planning était sans équivoque :
“Prière assurer rotation HMR 22322 du 31/12/00 départ13h50 retour le 03 6h00″.
Pas même à confirmer.
J’étais ravi et j’avais tout de suite proposé à mon fils de m’accompagner pour passer deux jours à Rio. Ça l’avait tout de suite branché comme me l’avait confirmé le long “Cooooooool ” que j’avais reçu en réponse à ma proposition.
Beaucoup moins cool allait être l’annonce sur son portable d’appeler sa maman pour qu’elle vienne le chercher à CDG. Joyeux nouvel an, fiston. Avec les bons vœux d’AF.
Moi pour le nouvel an, j’aurai juste aimé que l’on ne me prenne pas pour un con… tout simplement.
Quelques sournois du suivi planning devaient penser que s’ils m’avaient “télégrammé” le EWR, je ne serai pas venu. La confiance régnait… Air France me prenait donc à la fois pour un con mais aussi pour un glandeur doublé d’un fumiste, mais dans le même temps me confiait la responsabilité sécurité et commerciale de plus 200 de ses précieux clients. Ce paradoxe me troublait. Il faudra que je confie ça à mon chef de secteur, ça me fera du bien… !
Les deux hôtesses devant moi pointaient aussi pour le Rio.
“Suivi Planning» avait été la réponse la plus aimable que l’agent de la banque PN avait trouvée. Ce gars-là n’avait pas de balises à respecter, c’était clair.
Mon galon de CCP me valut le même accueil, juste précédé du verbe “Allez”. Il se bonifiait, c’était évident.
L’amabilité n’était pas non plus au rendez-vous au suivi planning. Malgré les guirlandes de Joyeuses Fêtes, pas de cadeau… Bye bye Rio et destination Newark. Pointage à nouveau à la banque où je croise quelques autres nostalgiques de Copacabana. L’autre agent de pointage me réconcilie avec sa corporation. Ma visite aux PNT me rassure ; Seul le PNC s’est fait « mettre » avec des télégrammes bidons. Pas de synergie sur ce point, ça m’inquiète pour notre ambiance CRM. « Crew Ressources Management » pour les ignares. Le bon relationnel qui évite aux avions de tomber !
Retour à la salle de briefing avec encore un peu de mal à m’asseoir.
Mon dossier de vol est in habituellement épais. Le tic-tac qu’il émet m’inquiète… Il n’y a vraiment pas de quoi car la Division PNT a eu la gentille attention de nous mettre des montres en cadeau pour remerciement du service rendu lors des fêtes de fin d’année. Ce n’est pas nos cadres PNC qui auraient pensé à ça !
Je suis un peu lent en calcul, mais une montre plus une montre ça ne fait que deux montres.
Cette délicate attention, idée de M. Rovetto et Delpech, n’est destinée qu’aux PNT. Corporatisme oblige !
Je me demande immédiatement si la lourde charge de ces deux chefs PNT ne leur a pas fait rater un stage CRM ou plus simplement ne leur à pas ôter toute bienséance.
Pas pressé en tout cas de voler avec ces deux oiseaux-là au vu de leurs notions limitées d’un équipage !
J’enfile donc ma tenue de Père Noël pour gâter mes PNT comme le suggère la lettre d’accompagnement.
Le premier est ravi et l’enfile fièrement alors que l’autre s’inquiète immédiatement de ce que nous avons eu et me la rend pour le plus jeune de l’équipage. C’est beau et sympa ! Y sera jamais chef celui-là…
Comme me l’expliquera doctement plus tard un cadre sol en réunion de délégués du personnel :
“Ils avaient un lot de 800 montres dont ils ne savaient que faire…”
C’est curieux, et je suis sûr que vous êtes comme moi, mais bien rare sont les fois où j’ai eu comme par magie un lot de 800 choses gratuites.
En réfléchissant 90 secondes, soit le temps d’un décollage, j’ai l’impression que d’autres idées plus commerciales et moins polémiques me seraient venu à l’esprit. Mais c’est vrai que réfléchir aussi longtemps semble difficilement supportable, surtout à deux chefs PNT.
Le CC entame le briefing sur un poncif qui vient de prendre un vieux coup dans l’aile : “Dans équipage, il y a équipe….”
A suivre…

vendredi 10 octobre 2003

Volume 7

Banlieue parisienne, 11h00 locales.
Deux ans que je suis à Air France et c’est toujours une fête de recevoir ce Chronopost qui m’achemine à domicile mon bel uniforme. C’est trop top et j’épate mon pote avec qui je partage mon studio.
Ca ne se passe pas comme ça pour lui chez Mac Donald!
J’ouvre donc mon paquet sous son œil jaloux et inquisiteur. Tout y est, ma commande Gismau au grand complet. Génial, il y a même les fameuses chaussures Christian PELLET, chausseur depuis 1860, s’il vous plait, comme me l’indique fièrement la boite. Dès l’essayage du pantalon, mon pote se bidonne car les ourlets ne sont pas faits. Les vestes sont un peu trop grandes mais tant pis, je ferai avec.

Banlieue parisienne, 6h30 locales, le lendemain.
Je m’engouffre dans le métro, direction Balard car le trajet le plus court vers CDG ne comporte pas moins de 33 stations, une correspondance à République et une à Gare du Nord. Je passe la correspondance de République le pied léger mais celle de Gare du Nord me fait dire que Christian Pellet aurait mieux fait de ne faire que des boites mais surtout pas de chaussures ! La bande de skateurs qui passe près de moi louche sur mon sac de cabine. Pas un regard pour mes chaussures Chris PEL, ils sont plus branchés Vans, Globe ou Nike. Ces gars là n’aiment pas souffrir! Quand je pense que leurs six paires de chaussures représentent mon salaire en B-scale, je suis dégouté.
C’est curieux d’entendre et de lire sans arrêt que mon poste de PNC est parmi les plus importants dans la chaîne commerciale et que ce soit le moins bien payé de la Compagnie….J’ai du mal à comprendre, la fatigue sans doute. Il est vrai que je me remets à peine de mes trois levers tôt précédents.

Gare RER, station Aéroport CDG , 8h00 locales.
Slalom entre les piliers multicolores du hall du RER, mauve, jaune, orange, bleu et vert pomme. Skyteam et ADP, même combat pour le bon goût. Je pointe pour le découcher Marseille. L’agent de la banque me lâche que je ne vais plus à MRS mais que je fais cette merveille d’Amsterdam, découcher Toulouse et enfin Vienne pour une dernière valse. Là, je me dis vraiment que mes Chris PEL neuves sont une très mauvaise idée. En salle de briefing, une CC m’accueille au milieu de ses papiers. Le briefing commence grave avec tout un speech sur le lien étroit entre la ponctualité et le cours de l’action AF. J’avais entendu dire que certains CC s’étaient mal remis de leur séjour dans les capitales européennes où des cadres PNC les Teambuildaient voire même les faisaient se Teambuilder entre eux. Ignoble. Certains esprits fragiles en revenaient sérieusement esquintés. J’étais devant un spécimen de cette outrageante manipulation. Il paraît même que pour les fortes têtes avait été mis en place le Teamcoaching. Tendance plus SM selon ceux qui en sont revenus avec l’esprit intact. Pour ce que j’en ai à faire ce n’est de toute façon pas trop grave et mes Chris PEL me font tellement mal que je ne l’écoute déjà plus.

Parking F08, température extérieure –3°, température intérieure de l’avion – 6°.
Nous continuons au pas de course vers l’avion. Il y fait un tel froid que mes pieds s’engourdissent dans mes Chris PEL pour mon plus grand bonheur. Ces avions bien glacés le matin, ça me fait dire que chez nos futurs alliés tchèques, ça doit pas être triste non plus.
Ont-ils les fameuses ” moonboots ” à pois dont tout le monde parle et qui s’accordent à merveille avec leurs rideaux ?
Je l’espère pour eux !
C’est dans ce froid de voleur que nous accueillons les bougons matinaux qui en ont ras le seau de montrer leur carte d’embarquement. Parqués dans le bus durant 20 minutes, certains sont surchauffés alors que d’autres sont à décongeler…. Chaud, froid, attente, le secret des ambiances réussies. Afin de pas ternir cette belle harmonie, je ferme les yeux sur quelques clients Tempo, plus sherpas qu’en accord avec la réglementation bagages.
Le vol vers AMS se passe sur les chapeaux de roues et je n’ai vraiment pas le temps de me dire que servir ce petit déjeuner cavalcade aura un rapport avec les 19,70 Euros de l’action AF. Au vu de leurs regards compatissants vers leurs voisins, je me dis que deux de nos passagers Tempo Challenge ne regrettent pas leurs plateaux oubliés par Servair. Descente sur fond de débarrassage.

Amsterdam, température extérieure – 5°.
Atterrissage à Schippol où il fait aussi un froid de gueux. Je m’en satisfais à cause de mes Chris PEL qui j’en suis sûr maintenant sont faites exclusivement pour la banquise tellement j’ai chaud dedans.
Je me jette sur mon encas et dévore instantanément ma barre de Grany au chocolat sous l’œil pas jaloux d’un agent de nettoyage. Mon assortiment de Maître Prunille ne l’émeut pas non plus. Son aspirateur d’un autre âge fait un bruit épouvantable et me vrille les oreilles au point que je n’entends pas arriver le premier passager. Les bougons sont tous les mêmes, ici ou ailleurs. Un peu las de ce relationnel limité, mes pensées s’évadent vers mon dernier stage CRM. Je ne me souviens que de la cassette sur l’alimentation où un commandant de bord nous évoquait doctement le pourquoi du comment bien manger. A bien y réfléchir quelques pourquoi et comment sont toujours sans réponse.
Comment je fais pour me poser ne serait ce que 5 minutes peinard pour manger ?
Pourquoi dois-je manger en guise de repas des barres de céréales dans des courants d’air glaciaux?
Pourquoi dois-je trimballer ma bouffe au gré des changements de machine ?
Pourquoi dois-je manger dans les miasmes soufflés par des aspirateurs agonisants ?
Bref, cet excellent CRM était plutôt un rappel sur le fait que lui et ses collègues doivent manger souvent pour être bien dans leurs chaussures et ne pas faire tomber l’avion. Reçu fort et clair, merci commandant.

Roissy CDG, trois heures de béton.
Les non-fumeurs s’écroulent dans la cabine envahie par le nettoyage et l’hôtellerie, tandis que les tabaco-dépendants filent s’adonner à leur vice à l’aérogare. Pour ma part, je tente de déguster ma tranche de francité sous forme d’une collation chaude. Question variété, c’est loupé car j’entame pour le troisième jour de suite une salade de lentilles en entrée et une cassolette de poulet-riz en plat chaud. Mon rôle d’ambassadeur de la gastronomie française en prend un sérieux coup. Quant à l’ambiance intérieure de mes chaussures, elle est proche du hammam. Je n’ai pas avec moi la deuxième paire préconisée par le constructeur afin de les laisser sécher. Dommage…Arrivée de nos nouveaux PNT tout frais. Le CDB en totale contradiction avec le précédent nous fait un briefing sécurité-sûreté plutôt rassurant….
La régulation du trafic nous impose un créneau de 2 heures qui nous scie les pattes avant de reprendre le collier.

Arrivée à Toulouse, 19h00.
Bien cassés que nous sommes, personne ne veut conduire la voiture de location, seul le modèle récent tempère les réticences d’un Schumacher méconnu. La fatigue aidant, nous nous plantons dans l’itinéraire et prenons la première bretelle, entamant ainsi une visite nocturne de la «ville rose» sur fond de ronflement d’un de mes collègues. Son prothésiste a fait du bon boulot…

Arrivée à l’hôtel Paladia, 21h45.
Douche, pipi, les dents et au lit.

Réveil à l’hôtel Paladia, 9h00.
Pipi, douche, les dents, mes Chris PEL, café, Hertz….

Descente vers CDG.
Le CDB nous transmet un message ACARS annulant le VIE. Ouais, génial! mais au profit d’un BUD, beaucoup moins génial avec un nouveau changement d’avion et de PNT.

Roissy, attente de l’avion.
L’usine à gaz des rotations dégroupées PNT/PNC/avion, grande prêtresse des retards montre l’étendue de son talent pour le plus grand bonheur de la machine à café de la salle bagage. Entre chocolat chaud et Mars pour que ça reparte, notre CC s’adonne aux plaisirs du calcul du nouveau TSV. Surprise, ça ne passe plus. Un passage au suivi planning lui vaut un cours circonstancié sur ses erreurs de calcul. L’affabilité de l’agent me le rend suspect mais la confirmation de l’ASSIX me rassure. Navette, avion….
Notre nouveau CDB, un gastronome, en totale contradiction avec le précédent nous fait un briefing sur son plateau repas. Plutôt pas rassurant….

Budapest, Hongrie.
«Hongroyais» pouvoir faire confiance aux calculs du suivi planning et de l’Assix mais une lecture plus fouillée de l’Accord nous confirme que nous nous sommes faits sérieusement enfumer….pour ne pas dire autre chose. Le débarquement était nécessaire à CDG. Mes Chris PEL me rappellent, mais un peu tard que l’on ne m’y prendra plus.

Parking B05, au large.
Après le fort succès commercial du débarquement par bus, nous nous sentons un peu seuls. Une seule navette vous manque et tout est dépeuplé!

Roissy, salle bagages, 22h45 locales.
C’est fou comme parfois une CC ou un CC peuvent paraître lobotomisés grave lorsqu’il font leur briefing et comme ça peut bien se passer par la suite dès que nous partageons la même VRA qui ne roule pas ou dont tous les plateaux sont renversés ou le même suivi-planning. Nous nous quittons plutôt potes d’autant que je lis dans ses yeux qu’elle aussi a mal aux pieds. En pensant à mes correspondances de Gare du Nord et de République, je maudis celui qui n’a sûrement jamais essayé les redoutables Chris PEL mais qui a décidé que nous allions les porter….

A suivre…

mercredi 10 septembre 2003

Volume 6

«Sur le plan de l’arnaque, l’attaque du train postal ” Glasgow-Londres ” n’est rien, vous m’entendez rien, comparée à notre système d’intéressement aux ventes à bord.»
 
En croisière 16h30 TU

Je viens d’ouvrir la voiture de ventes à bord en utilisant comme d’habitude le matricule AF 000 0001 que j’imagine être celui de Jean Cyril. C’est le côté magique de cet OVB (Ordinateur de Ventes à Bord) à la pointe de la technologie de pouvoir l’ouvrir avec votre carte AF mais aussi avec n’importe quelle suite chiffrée.
Le matricule de Jean Cyril me plaît bien car j’ai ainsi le sentiment de le mêler à nos petits soucis quotidiens. Le service Espace vient de se terminer et nous enchaînons par les ventes en cabine, le steward et moi.
Connaissant la ligne, je ne doute pas que nous en ayons pour un moment. J’adopte donc une attitude plus que discrète, transparente dirais-je. Le steward, quant à lui, sans doute lobotomisé par le forum permanent AIR, adopte l’attitude du vendeur du mois. A sa décharge, cet espace AIR, le seul confortable sur le circuit PN vaut bien l’échange de quelques séances subliminales contre un vague sentiment de luxe avant d’affronter le nouveau design de nos cabines ” Skyteam “.
Mon premier client est amateur du vrai chic parisien et me fait déballer tous les foulards : Hermès ! Dior ! Kenzo ?
Alors, que je freine des quatre fers, ce dernier entend bien passer au peigne fin toute la voiture. Une demi-heure plus tard, je suis toujours avec le même et ralentis mon collègue puisque nous n’avons qu’un seul OVB.
Parti comme c’est parti, à ce rythme-là, j’atteindrai le galley et mon plateau repas dans 5 heures vers 21h30 TU.
Autant dire que pour les autres passagers, je ne fais pas de pub. Limite aimable, la faim au ventre.
Un représentant de l’ONU me cueille sur le retour par l’autre allée. 6000 francs de parfums et de foulards et je n’ai pas de sac à lui offrir. Pour avoir l’air con, c’est de première. Je fais dans l’ersatz et livre les précieux produits dans un sac-poubelle du plus beau bleu. Toujours pro, j’ai la délicatesse de lui faire un joli nœud avec le lien plastique orange. Il apprécie grandement et m’en demande un deuxième, sans doute pour son «assistante» new-yorkaise.
Je ferme les ventes cause «pas de sac» noté sur l’enveloppe de caisse.
J’ai donc passé 1h30 à faire des ventes, si j’extrapole au mois, environ 12 heures au service exclusif d’AIR pour 263 francs, soit 21 francs de l’heure. Petit rappel sur le SMIC horaire à 41,31 francs/heure.

C’est quand même chouette de pouvoir s’offrir une flotte d’environ 13000 vendeurs, de jour comme de nuit, multilingues de surcroît pour une somme aussi modique.

J’atteins enfin le galley où m’attend mon déjeuner qui s’est transformé en dîner passé 19h00.
C’est le moment que choisit un passager pour fumer dans une toilette de notre A340.
L’alarme retentit. J’aurais pu dire : ” Mon sang ne fait qu’un tour ! “, mais je ne le dirai pas. En effet, à force de ne pas tester l’alarme toilette nous n’en connaissons pas le timbre enjoué.
Je me dis donc, plutôt :
« Où ai-je déjà entendu ce bruit-là ? »
« D’où vient-il ? »
Je lis par ailleurs sur mon Flight Attendant Panel, un
« L71 » qui ne me dit vraiment rien quant à la localisation du problème.
Réaction étonnamment contraire à la légendaire réactivité du PNC AF, telle que décrite dans ce gros livre rouge que je n’ouvre presque jamais, puisqu’il ne contient plus rien et que l’essentiel est résumé dans le questionnaire.
Soixante secondes plus tard, un nouvellement spécialisé, B-scale de surcroît, a quant à lui, reconnu l’alarme que je n’avais pas entendue depuis 5 ans.
Nous dégondons la porte des toilettes car le passager bloque cette dernière souhaitant fumer tranquille. Il s’écroule une bouteille de Jack Daniel’s à la main. Bourrades amicales pour le guider à sa place où je lui remets le puissant document ICP (Incident Comportement Passager). Curieusement, ça ne l’impressionne pas et il manque de vomir sur le précieux document de dissuasion.
Je retrouve à nouveau mon plateau quand le voisin du pochard fumeur vient se plaindre à moi que l’alcoolique tourne câlin et lui tripote la cuisse avec ardeur…
J’enfile alors ma tenue de conseiller conjugal car il semble inquiet de voir son voisin ne pas poursuivre avec lui vers Oklahoma City…
Il est 20h15, j’hésite une seconde entre manger froid ou trop cuit. Je mange froid car attendre que ma cassolette réchauffe c’est prendre un risque, le film se termine.
A suivre…