mercredi 10 décembre 2003

Volume 9

Quand tu ne vas pas à Rio…tu ne peux pas monter là-haut !
La route avait défilé rapidement jusqu’à Roissy CDG. Je déposai mon fils au terminal 2 afin qu’il s’enregistre sur le Paris Rio de Janeiro que j’assurai aujourd’hui. Ça faisait cinq ans que je n’avais pas bu de cahipirine et ça commençait à me manquer.
Le télégramme du suivi planning était sans équivoque :
“Prière assurer rotation HMR 22322 du 31/12/00 départ13h50 retour le 03 6h00″.
Pas même à confirmer.
J’étais ravi et j’avais tout de suite proposé à mon fils de m’accompagner pour passer deux jours à Rio. Ça l’avait tout de suite branché comme me l’avait confirmé le long “Cooooooool ” que j’avais reçu en réponse à ma proposition.
Beaucoup moins cool allait être l’annonce sur son portable d’appeler sa maman pour qu’elle vienne le chercher à CDG. Joyeux nouvel an, fiston. Avec les bons vœux d’AF.
Moi pour le nouvel an, j’aurai juste aimé que l’on ne me prenne pas pour un con… tout simplement.
Quelques sournois du suivi planning devaient penser que s’ils m’avaient “télégrammé” le EWR, je ne serai pas venu. La confiance régnait… Air France me prenait donc à la fois pour un con mais aussi pour un glandeur doublé d’un fumiste, mais dans le même temps me confiait la responsabilité sécurité et commerciale de plus 200 de ses précieux clients. Ce paradoxe me troublait. Il faudra que je confie ça à mon chef de secteur, ça me fera du bien… !
Les deux hôtesses devant moi pointaient aussi pour le Rio.
“Suivi Planning» avait été la réponse la plus aimable que l’agent de la banque PN avait trouvée. Ce gars-là n’avait pas de balises à respecter, c’était clair.
Mon galon de CCP me valut le même accueil, juste précédé du verbe “Allez”. Il se bonifiait, c’était évident.
L’amabilité n’était pas non plus au rendez-vous au suivi planning. Malgré les guirlandes de Joyeuses Fêtes, pas de cadeau… Bye bye Rio et destination Newark. Pointage à nouveau à la banque où je croise quelques autres nostalgiques de Copacabana. L’autre agent de pointage me réconcilie avec sa corporation. Ma visite aux PNT me rassure ; Seul le PNC s’est fait « mettre » avec des télégrammes bidons. Pas de synergie sur ce point, ça m’inquiète pour notre ambiance CRM. « Crew Ressources Management » pour les ignares. Le bon relationnel qui évite aux avions de tomber !
Retour à la salle de briefing avec encore un peu de mal à m’asseoir.
Mon dossier de vol est in habituellement épais. Le tic-tac qu’il émet m’inquiète… Il n’y a vraiment pas de quoi car la Division PNT a eu la gentille attention de nous mettre des montres en cadeau pour remerciement du service rendu lors des fêtes de fin d’année. Ce n’est pas nos cadres PNC qui auraient pensé à ça !
Je suis un peu lent en calcul, mais une montre plus une montre ça ne fait que deux montres.
Cette délicate attention, idée de M. Rovetto et Delpech, n’est destinée qu’aux PNT. Corporatisme oblige !
Je me demande immédiatement si la lourde charge de ces deux chefs PNT ne leur a pas fait rater un stage CRM ou plus simplement ne leur à pas ôter toute bienséance.
Pas pressé en tout cas de voler avec ces deux oiseaux-là au vu de leurs notions limitées d’un équipage !
J’enfile donc ma tenue de Père Noël pour gâter mes PNT comme le suggère la lettre d’accompagnement.
Le premier est ravi et l’enfile fièrement alors que l’autre s’inquiète immédiatement de ce que nous avons eu et me la rend pour le plus jeune de l’équipage. C’est beau et sympa ! Y sera jamais chef celui-là…
Comme me l’expliquera doctement plus tard un cadre sol en réunion de délégués du personnel :
“Ils avaient un lot de 800 montres dont ils ne savaient que faire…”
C’est curieux, et je suis sûr que vous êtes comme moi, mais bien rare sont les fois où j’ai eu comme par magie un lot de 800 choses gratuites.
En réfléchissant 90 secondes, soit le temps d’un décollage, j’ai l’impression que d’autres idées plus commerciales et moins polémiques me seraient venu à l’esprit. Mais c’est vrai que réfléchir aussi longtemps semble difficilement supportable, surtout à deux chefs PNT.
Le CC entame le briefing sur un poncif qui vient de prendre un vieux coup dans l’aile : “Dans équipage, il y a équipe….”
A suivre…

vendredi 10 octobre 2003

Volume 7

Banlieue parisienne, 11h00 locales.
Deux ans que je suis à Air France et c’est toujours une fête de recevoir ce Chronopost qui m’achemine à domicile mon bel uniforme. C’est trop top et j’épate mon pote avec qui je partage mon studio.
Ca ne se passe pas comme ça pour lui chez Mac Donald!
J’ouvre donc mon paquet sous son œil jaloux et inquisiteur. Tout y est, ma commande Gismau au grand complet. Génial, il y a même les fameuses chaussures Christian PELLET, chausseur depuis 1860, s’il vous plait, comme me l’indique fièrement la boite. Dès l’essayage du pantalon, mon pote se bidonne car les ourlets ne sont pas faits. Les vestes sont un peu trop grandes mais tant pis, je ferai avec.

Banlieue parisienne, 6h30 locales, le lendemain.
Je m’engouffre dans le métro, direction Balard car le trajet le plus court vers CDG ne comporte pas moins de 33 stations, une correspondance à République et une à Gare du Nord. Je passe la correspondance de République le pied léger mais celle de Gare du Nord me fait dire que Christian Pellet aurait mieux fait de ne faire que des boites mais surtout pas de chaussures ! La bande de skateurs qui passe près de moi louche sur mon sac de cabine. Pas un regard pour mes chaussures Chris PEL, ils sont plus branchés Vans, Globe ou Nike. Ces gars là n’aiment pas souffrir! Quand je pense que leurs six paires de chaussures représentent mon salaire en B-scale, je suis dégouté.
C’est curieux d’entendre et de lire sans arrêt que mon poste de PNC est parmi les plus importants dans la chaîne commerciale et que ce soit le moins bien payé de la Compagnie….J’ai du mal à comprendre, la fatigue sans doute. Il est vrai que je me remets à peine de mes trois levers tôt précédents.

Gare RER, station Aéroport CDG , 8h00 locales.
Slalom entre les piliers multicolores du hall du RER, mauve, jaune, orange, bleu et vert pomme. Skyteam et ADP, même combat pour le bon goût. Je pointe pour le découcher Marseille. L’agent de la banque me lâche que je ne vais plus à MRS mais que je fais cette merveille d’Amsterdam, découcher Toulouse et enfin Vienne pour une dernière valse. Là, je me dis vraiment que mes Chris PEL neuves sont une très mauvaise idée. En salle de briefing, une CC m’accueille au milieu de ses papiers. Le briefing commence grave avec tout un speech sur le lien étroit entre la ponctualité et le cours de l’action AF. J’avais entendu dire que certains CC s’étaient mal remis de leur séjour dans les capitales européennes où des cadres PNC les Teambuildaient voire même les faisaient se Teambuilder entre eux. Ignoble. Certains esprits fragiles en revenaient sérieusement esquintés. J’étais devant un spécimen de cette outrageante manipulation. Il paraît même que pour les fortes têtes avait été mis en place le Teamcoaching. Tendance plus SM selon ceux qui en sont revenus avec l’esprit intact. Pour ce que j’en ai à faire ce n’est de toute façon pas trop grave et mes Chris PEL me font tellement mal que je ne l’écoute déjà plus.

Parking F08, température extérieure –3°, température intérieure de l’avion – 6°.
Nous continuons au pas de course vers l’avion. Il y fait un tel froid que mes pieds s’engourdissent dans mes Chris PEL pour mon plus grand bonheur. Ces avions bien glacés le matin, ça me fait dire que chez nos futurs alliés tchèques, ça doit pas être triste non plus.
Ont-ils les fameuses ” moonboots ” à pois dont tout le monde parle et qui s’accordent à merveille avec leurs rideaux ?
Je l’espère pour eux !
C’est dans ce froid de voleur que nous accueillons les bougons matinaux qui en ont ras le seau de montrer leur carte d’embarquement. Parqués dans le bus durant 20 minutes, certains sont surchauffés alors que d’autres sont à décongeler…. Chaud, froid, attente, le secret des ambiances réussies. Afin de pas ternir cette belle harmonie, je ferme les yeux sur quelques clients Tempo, plus sherpas qu’en accord avec la réglementation bagages.
Le vol vers AMS se passe sur les chapeaux de roues et je n’ai vraiment pas le temps de me dire que servir ce petit déjeuner cavalcade aura un rapport avec les 19,70 Euros de l’action AF. Au vu de leurs regards compatissants vers leurs voisins, je me dis que deux de nos passagers Tempo Challenge ne regrettent pas leurs plateaux oubliés par Servair. Descente sur fond de débarrassage.

Amsterdam, température extérieure – 5°.
Atterrissage à Schippol où il fait aussi un froid de gueux. Je m’en satisfais à cause de mes Chris PEL qui j’en suis sûr maintenant sont faites exclusivement pour la banquise tellement j’ai chaud dedans.
Je me jette sur mon encas et dévore instantanément ma barre de Grany au chocolat sous l’œil pas jaloux d’un agent de nettoyage. Mon assortiment de Maître Prunille ne l’émeut pas non plus. Son aspirateur d’un autre âge fait un bruit épouvantable et me vrille les oreilles au point que je n’entends pas arriver le premier passager. Les bougons sont tous les mêmes, ici ou ailleurs. Un peu las de ce relationnel limité, mes pensées s’évadent vers mon dernier stage CRM. Je ne me souviens que de la cassette sur l’alimentation où un commandant de bord nous évoquait doctement le pourquoi du comment bien manger. A bien y réfléchir quelques pourquoi et comment sont toujours sans réponse.
Comment je fais pour me poser ne serait ce que 5 minutes peinard pour manger ?
Pourquoi dois-je manger en guise de repas des barres de céréales dans des courants d’air glaciaux?
Pourquoi dois-je trimballer ma bouffe au gré des changements de machine ?
Pourquoi dois-je manger dans les miasmes soufflés par des aspirateurs agonisants ?
Bref, cet excellent CRM était plutôt un rappel sur le fait que lui et ses collègues doivent manger souvent pour être bien dans leurs chaussures et ne pas faire tomber l’avion. Reçu fort et clair, merci commandant.

Roissy CDG, trois heures de béton.
Les non-fumeurs s’écroulent dans la cabine envahie par le nettoyage et l’hôtellerie, tandis que les tabaco-dépendants filent s’adonner à leur vice à l’aérogare. Pour ma part, je tente de déguster ma tranche de francité sous forme d’une collation chaude. Question variété, c’est loupé car j’entame pour le troisième jour de suite une salade de lentilles en entrée et une cassolette de poulet-riz en plat chaud. Mon rôle d’ambassadeur de la gastronomie française en prend un sérieux coup. Quant à l’ambiance intérieure de mes chaussures, elle est proche du hammam. Je n’ai pas avec moi la deuxième paire préconisée par le constructeur afin de les laisser sécher. Dommage…Arrivée de nos nouveaux PNT tout frais. Le CDB en totale contradiction avec le précédent nous fait un briefing sécurité-sûreté plutôt rassurant….
La régulation du trafic nous impose un créneau de 2 heures qui nous scie les pattes avant de reprendre le collier.

Arrivée à Toulouse, 19h00.
Bien cassés que nous sommes, personne ne veut conduire la voiture de location, seul le modèle récent tempère les réticences d’un Schumacher méconnu. La fatigue aidant, nous nous plantons dans l’itinéraire et prenons la première bretelle, entamant ainsi une visite nocturne de la «ville rose» sur fond de ronflement d’un de mes collègues. Son prothésiste a fait du bon boulot…

Arrivée à l’hôtel Paladia, 21h45.
Douche, pipi, les dents et au lit.

Réveil à l’hôtel Paladia, 9h00.
Pipi, douche, les dents, mes Chris PEL, café, Hertz….

Descente vers CDG.
Le CDB nous transmet un message ACARS annulant le VIE. Ouais, génial! mais au profit d’un BUD, beaucoup moins génial avec un nouveau changement d’avion et de PNT.

Roissy, attente de l’avion.
L’usine à gaz des rotations dégroupées PNT/PNC/avion, grande prêtresse des retards montre l’étendue de son talent pour le plus grand bonheur de la machine à café de la salle bagage. Entre chocolat chaud et Mars pour que ça reparte, notre CC s’adonne aux plaisirs du calcul du nouveau TSV. Surprise, ça ne passe plus. Un passage au suivi planning lui vaut un cours circonstancié sur ses erreurs de calcul. L’affabilité de l’agent me le rend suspect mais la confirmation de l’ASSIX me rassure. Navette, avion….
Notre nouveau CDB, un gastronome, en totale contradiction avec le précédent nous fait un briefing sur son plateau repas. Plutôt pas rassurant….

Budapest, Hongrie.
«Hongroyais» pouvoir faire confiance aux calculs du suivi planning et de l’Assix mais une lecture plus fouillée de l’Accord nous confirme que nous nous sommes faits sérieusement enfumer….pour ne pas dire autre chose. Le débarquement était nécessaire à CDG. Mes Chris PEL me rappellent, mais un peu tard que l’on ne m’y prendra plus.

Parking B05, au large.
Après le fort succès commercial du débarquement par bus, nous nous sentons un peu seuls. Une seule navette vous manque et tout est dépeuplé!

Roissy, salle bagages, 22h45 locales.
C’est fou comme parfois une CC ou un CC peuvent paraître lobotomisés grave lorsqu’il font leur briefing et comme ça peut bien se passer par la suite dès que nous partageons la même VRA qui ne roule pas ou dont tous les plateaux sont renversés ou le même suivi-planning. Nous nous quittons plutôt potes d’autant que je lis dans ses yeux qu’elle aussi a mal aux pieds. En pensant à mes correspondances de Gare du Nord et de République, je maudis celui qui n’a sûrement jamais essayé les redoutables Chris PEL mais qui a décidé que nous allions les porter….

A suivre…

mercredi 10 septembre 2003

Volume 6

«Sur le plan de l’arnaque, l’attaque du train postal ” Glasgow-Londres ” n’est rien, vous m’entendez rien, comparée à notre système d’intéressement aux ventes à bord.»
 
En croisière 16h30 TU

Je viens d’ouvrir la voiture de ventes à bord en utilisant comme d’habitude le matricule AF 000 0001 que j’imagine être celui de Jean Cyril. C’est le côté magique de cet OVB (Ordinateur de Ventes à Bord) à la pointe de la technologie de pouvoir l’ouvrir avec votre carte AF mais aussi avec n’importe quelle suite chiffrée.
Le matricule de Jean Cyril me plaît bien car j’ai ainsi le sentiment de le mêler à nos petits soucis quotidiens. Le service Espace vient de se terminer et nous enchaînons par les ventes en cabine, le steward et moi.
Connaissant la ligne, je ne doute pas que nous en ayons pour un moment. J’adopte donc une attitude plus que discrète, transparente dirais-je. Le steward, quant à lui, sans doute lobotomisé par le forum permanent AIR, adopte l’attitude du vendeur du mois. A sa décharge, cet espace AIR, le seul confortable sur le circuit PN vaut bien l’échange de quelques séances subliminales contre un vague sentiment de luxe avant d’affronter le nouveau design de nos cabines ” Skyteam “.
Mon premier client est amateur du vrai chic parisien et me fait déballer tous les foulards : Hermès ! Dior ! Kenzo ?
Alors, que je freine des quatre fers, ce dernier entend bien passer au peigne fin toute la voiture. Une demi-heure plus tard, je suis toujours avec le même et ralentis mon collègue puisque nous n’avons qu’un seul OVB.
Parti comme c’est parti, à ce rythme-là, j’atteindrai le galley et mon plateau repas dans 5 heures vers 21h30 TU.
Autant dire que pour les autres passagers, je ne fais pas de pub. Limite aimable, la faim au ventre.
Un représentant de l’ONU me cueille sur le retour par l’autre allée. 6000 francs de parfums et de foulards et je n’ai pas de sac à lui offrir. Pour avoir l’air con, c’est de première. Je fais dans l’ersatz et livre les précieux produits dans un sac-poubelle du plus beau bleu. Toujours pro, j’ai la délicatesse de lui faire un joli nœud avec le lien plastique orange. Il apprécie grandement et m’en demande un deuxième, sans doute pour son «assistante» new-yorkaise.
Je ferme les ventes cause «pas de sac» noté sur l’enveloppe de caisse.
J’ai donc passé 1h30 à faire des ventes, si j’extrapole au mois, environ 12 heures au service exclusif d’AIR pour 263 francs, soit 21 francs de l’heure. Petit rappel sur le SMIC horaire à 41,31 francs/heure.

C’est quand même chouette de pouvoir s’offrir une flotte d’environ 13000 vendeurs, de jour comme de nuit, multilingues de surcroît pour une somme aussi modique.

J’atteins enfin le galley où m’attend mon déjeuner qui s’est transformé en dîner passé 19h00.
C’est le moment que choisit un passager pour fumer dans une toilette de notre A340.
L’alarme retentit. J’aurais pu dire : ” Mon sang ne fait qu’un tour ! “, mais je ne le dirai pas. En effet, à force de ne pas tester l’alarme toilette nous n’en connaissons pas le timbre enjoué.
Je me dis donc, plutôt :
« Où ai-je déjà entendu ce bruit-là ? »
« D’où vient-il ? »
Je lis par ailleurs sur mon Flight Attendant Panel, un
« L71 » qui ne me dit vraiment rien quant à la localisation du problème.
Réaction étonnamment contraire à la légendaire réactivité du PNC AF, telle que décrite dans ce gros livre rouge que je n’ouvre presque jamais, puisqu’il ne contient plus rien et que l’essentiel est résumé dans le questionnaire.
Soixante secondes plus tard, un nouvellement spécialisé, B-scale de surcroît, a quant à lui, reconnu l’alarme que je n’avais pas entendue depuis 5 ans.
Nous dégondons la porte des toilettes car le passager bloque cette dernière souhaitant fumer tranquille. Il s’écroule une bouteille de Jack Daniel’s à la main. Bourrades amicales pour le guider à sa place où je lui remets le puissant document ICP (Incident Comportement Passager). Curieusement, ça ne l’impressionne pas et il manque de vomir sur le précieux document de dissuasion.
Je retrouve à nouveau mon plateau quand le voisin du pochard fumeur vient se plaindre à moi que l’alcoolique tourne câlin et lui tripote la cuisse avec ardeur…
J’enfile alors ma tenue de conseiller conjugal car il semble inquiet de voir son voisin ne pas poursuivre avec lui vers Oklahoma City…
Il est 20h15, j’hésite une seconde entre manger froid ou trop cuit. Je mange froid car attendre que ma cassolette réchauffe c’est prendre un risque, le film se termine.
A suivre…

mercredi 13 août 2003

Volume 5

Madagascar, 3h15 locales, parking.
La crise de foie n’est pas loin. Trop de foie gras poêlé sans doute ! Le réseau radio entre Tananarive et Paris est occupé par la résolution d’un problème majeur. Depuis déjà 4 heures, notre A 340 est bloqué au sol à cause d’une panne générale de toilettes. Plus exactement, l’information qu’envoie le microswitch de la trappe de vidange vers l’ordinateur central n’est pas la bonne. Bon, bref, ça fait donc 4 heures que nous organisons des voyages
« pipi caca » vers l’aérogare pour nos passagers qui, bien entendu, sont à bord depuis le début de nos problèmes sanitaires. La cabine est plutôt calme et assoupie. Nous nous appliquons à ne rien servir qui pourrait nuire à cette belle sérénité, d’autant que sans toilettes… Même chose côté vidéo où le plus grand mutisme est de mise, cette dernière faisant sa capricieuse. Trois resets successifs n’ayant pas pris moins d’une heure et demi. Le puissant manuel Muse n’est d’aucune aide, bien au contraire. Je fais appeler notre assistance locale, deux mécaniciens de Sabena. Leur accent me réjouit et je devine tout de suite en eux, des experts. Il n’ont jamais vu ce modèle mais n’hésitent pas une seconde à faire un quatrième reset. Ben voyons, pourquoi s’en priver, une fois !

Madagascar, toujours au parking.
Quelques sournois de la cabine Tempo profitent du remplissage médiocre de la cabine Espace pour s’y installer. Pour la majorité et malgré leur lassitude, tous retournent à leur place sur la demande du CC. Tous sauf un. Un qui fait d’abord l’endormi et que je secoue donc un petit peu. Quelques bourrades plus tard, l’endormi se transforme immédiatement en râleur. Je suis à priori bon gars mais j’ai horreur des mals aimables qui m’envoient valser du haut de leurs Miles Fréquence +. Il a bien fait de me mettre sur la piste car non content d’abuser de l’hospitalité des PNC Espace, il le faisait avec un billet AWOO, 0 franc 0 centime, gratuit quoi ! Je lui calcule rapidement ce qu’il aura à payer à Paris s’il insiste. Pas têtu ou économe, il n’insiste pas. De plus, il n’avait pas le seul argument qui aurait pu me faire vaciller, à savoir de ne pas supporter la nouvelle harmonie Tempo, cette dernière n’ayant pas encore été massacrée par les malveillants de l’Harmonie Cabine. Retour au siège initial pour le rouspéteur économe, sur fond de menaces de lettre à Jean-Cyril.

Madagascar, parking encore.
Les ondes continuent de porter peu de messages d’espoir pour nos toilettes quand soudain l’astuce suprême ou plutôt le coup de poker nous est proposé. Un zéro électrique dans tout l’avion, histoire de voir ce que ça fera. Un gros reset en quelque sorte. Non, à Paris, ils sont forts, c’est indéniable.
Passagers prévenus, PNC lampe à la main… Pas si vite que cela puisque ne la manipulant jamais certains d’entre nous ont du mal à l’extraire de son support.
C’est sans doute le propre de cette excellente formation qui nous fait tout manipuler par l’intermédiaire de l’EAO (enseignement assisté par ordinateur). Une grande réussite que ne manquera sans doute pas de rectifier Air France par un des ses excellents « Forums lampe électrique » à venir ou encore mieux, un petit livret d’autoformation.
Je reprends donc ; passagers prévenus, PNC lampe à la main. Plouf ! Plus de son, plus de lumière durant une minute. Tout le monde sauf nous roupille et la coupure n’est pas remarquée. Lumière à nouveau. Mon excellente vidéo Rockwell ne se désolidarise pas de la coupure et entame un cinquième reset qui lui prend 20 minutes. C’est le propre des avions de pointe d’utiliser des microprocesseurs d’un autre âge que nos enfants nous jetteraient à la tête. Le 486 DX 2 patine pour son cinquième reset de la matinée.

Madagascar, parking toujours.
Toujours pas de toilettes, mais par contre les bonnes idées affluent de Paris. Sans doute, le lever du jour là-bas qui les stimule, ou le changement d’équipe ? « Essayez de partir comme ça, vous verrez bien en vol » dit la voix parisienne. Je me pince, quatre heures d’attente pour ça, bravo ! De notre côté pas de changement d’équipe et donc pas de stimuli salvateur.

Croisière.
Le pire, c’est qu’une fois en vol, côté toilettes, ça marche. Beaucoup plus mollasson, côté vidéo qui patine toujours.
Ce début de croisière est le moment que choisit le copilote pour venir se plaindre auprès de moi du mauvais traitement que nous faisons subir à son épouse en GP. Je résume. Nous avons osé placé un autre GP à côté d’elle en J et de plus quelques professionnels de l’Alliance Skyteam ont préféré donner le choix d’entrée et de plat chaud à des passagers payants plutôt qu’à elle. Apprenant qu’elle est hôtesse elle-même, les bras m’en tombent. Ca ne m’aide pas à faire passer mon foie gras.

Descente
Je remets l’ACL qui comporte 10 lampes à reconditionner. Le commandant ne comprend pas pourquoi nous avons utilisé toutes les lampes pour notre minute nocturne. Je n’aime pas ne pas me sentir en phase sur les choses évidentes avec mon chef de mission, responsable sécurité de surcroît. Afin de l’aider dans sa réflexion, je lui pose donc quelques questions sous forme d’un QCM où toutes les réponses sont bonnes car je n’aime pas non plus mettre mes chefs en difficulté.

a) Pour rassurer les passagers ?
b) Pour les guider en cas de problèmes ?
c) Car Air France ne fournit pas de lampe individuelle au PNC ?
d) Pas pour se dire que nous allions économiser 10 rhodoïds de protection de lampes ainsi que 10 plombages par QL ? Je dis cela car je sens l’actionnaire inquiet….

Il fait un sans faute et remonte d’un cran dans mon estime. C’est si bon d’être en phase.

A suivre…

mercredi 16 juillet 2003

Volume 4

Paris, 22h15 locale, cours de l’action AF 19,30 Euros.
Demain, MDC A4+A2 OM2 057. J’aime bien tous ces codes et sur ce sujet Air France n’est pas avare.
MDC, pour maintien des compétences, ça d’accord sous réserve qu’il y en ait des compétences. Car ne nous le cachons pas le nivellement par le bas que nous vivons en matière de sécurité frise l’indécence pour des PNC dont c’est la raison d’être. Oui l’indécence, car servir du rat aux nouilles avec le sourire du garçon qui vous verse délicatement une louchée de caviar, c’est un métier certes, mais ce n’est pas l’essence même de notre activité.

A4 + A2, là je commence à soupçonner qu’un bureau du Siège passe ses journées à inventer des codes. Car pour le simple A310, je peux dire A1, A2 ou A4, mais aussi 312 et même 313 et pour affiner A 310/200 ou A 310/300. Le plus fort c’est que tout le monde comprend. Moi ça m’aide bien tous ces codes surtout dans les différents formats informatiques qui en acceptent certains et pas d’autres. Bref, demain donc Maintien des Compétences A 310/200 et A310/300.

OM2, là le O me fait soupçonner un voyage vers Orly, haut lieu de l’activité A310 comme chacun sait. 057, ne me fait rien soupçonner du tout.
Par acquis de conscience, je tourne et retourne le questionnaire d’autoformation A310. Je le lis une fois dans un sens puis une fois dans l’autre car avec ces 17 questions, je ne vois pas bien à quoi je m’autoforme si ce n’est à réussir le test qui comporte 10 questions. En tout cas sûrement pas à connaître ces deux avions. Sur ces 17 questions, je sais que 10 me seront posées. Pas d’angoisse, ça devrait le faire d’autant que j’ai droit à 2 fautes. Dire que le PNC AF est bon en sécurité car il réussit bien ses tests, n’est-ce pas un peu embellir le tableau ?

J’allais me coucher lorsque je reçois un email m’annonçant que la compagnie tchèque CSA rejoindra l’alliance Skyteam dès le 18 octobre 2000. Je me dis que forcément les forçats du Marketing Central, de l’Image de Marque et de l’Harmonie Cabine sont sur les dents. ça doit usiner dur ! Avant de m’endormir, je prie seulement pour que CSA n’ait pas des rideaux à pois, car je suppute que dans leur quête incessante d’harmonie cabine, certains malveillants ont déjà dû penser à les marier à nos rayures Tempo multiples. Alliance oblige…

Paris, 6h00 locale
Je me regarde dans une glace, ce nouvel uniforme Skyteam ne me va pas du tout et je pleure. Pantalon à rayures blanches, oranges et bleues Aéromexico, veste à rayures beiges et bleues Delta dans l’autre sens et cravate à pois. Pas de chapeau coréen, coup de bol. Au niveau look, je trouve que je paye l’Alliance un peu cher et m’effondre en larmes en pensant à l’uniforme féminin. Driiiiiing..Ce cauchemar se dilue dans un bruit de réveil qui sonne.

Orly, cité PN, 8h00 locale
Incroyable mon badge fonctionne dans le lecteur du parking, ça faisait tout de même 3 ans qu’il ne fonctionnait pas à Orly, c’est une première. Je suis ravi, ce stage s’annonce sous les meilleurs auspices.
La navette me dépose à l’entrée. Comme à la Cité et au Siège, le port du badge est obligatoire ; comme à la Cité et au Siège, personne ne le porte à l’exception des PN en uniforme. Ouf ! L’harmonie sûreté la plus totale règne entre Orly et Roissy. Je suis rassuré et me faufile dans cette nouvelle cité PN qui n’a rien à voir avec l’usine à gaz de la cité nord. Je découvre deux entrées non gardées et d’accès libre, faudra que j’en parle au gardien côté dépose navette.

Cafétéria agréable où certains PNC s’amusent de la lecture des « tribulations du major Skyteam ». Pas d’autographe mais la garantie que c’est du vécu, même si un peu compilé.
J’arrête de visiter car à tourner en civil un peu partout avec mon badge, j’en deviens suspect.
Le stage A 310 démarre bien puisqu’il n’y a pas de surbook. Je m’en étonne et un instructeur PNC à côté de moi, stagiaire lui-même, me répond « problèmes d’effectifs, difficulté d’embauche, moins 500 PNC, on va dans le mur, les gens ne veulent plus travailler ». C’est une chance de tomber sur un voisin de stage qui pose objectivement les grands problèmes de ce monde. Je lui réponds
« salaire de merde, métier de merde, pas étonnant de ne trouver personne ». Il n’avait pas vu cela comme ça. Nous brisons là, car le stage démarre sur les chapeaux de roues en nous apprenant que dans le livret A310, il y a un répertoire qui sert à accéder aux informations. Bien fait de venir….
Nous poursuivons sur le même rythme endiablé par la question suivante : « Qu’est-ce qui différencie le 300 du 200 ? ». J’entends 100 au fond de la salle, avant que mon voisin ne dise les vestiaires. Enfin un surdoué nous révèle que ce sont les winglets.

Le petit tour à l’EAO (enseignement assisté par ordinateur) est pour nous l’occasion de revoir des cabines qui n’existent plus depuis trois longues années. Car pour le 310 tout continue à être enseigné comme si le galley central n’était pas passé aux issues. Ça aide bien à se faire une très bonne fausse idée des positions des matériels.
Je sors de là avec l’idée que le MID galley existe toujours, que j’y trouve un interphone, qui en plus fait PA à ses heures. Sans compter tout le matériel que recèle le MID galley fantôme. 

Pause bien méritée, vu la masse d’informations fausses que nous avons à oublier au plus vite.
Nous poursuivons par les portes et matériels divers à manipuler. Le masque PNT est HS donc pas de manip. La porte, vite fait car un peu cassée aussi. Les PSU et zou, le test. J’ai quelque part le sentiment qu’on se fout de ma gueule avec ces stages et que le seul but est que je les réussisse afin de ne pas « impacter » ma productivité, comme on dit au Conseil d’Administration. J’en fait part à mon voisin. Il est fâché et va jusqu’à penser radicalement le contraire. Une belle carrière l’attend, je n’en doute plus…
A suivre…

mercredi 11 juin 2003

Volume 3

Douala, 9h30 locales, température 30°C, humidité 85%…
Un groupe de passagers se dirige avec nous vers la salle d’embarquement du vol direct vers Paris. Les commentaires acerbes vont bon train sur le retard de notre vol. Pas plus de 13 heures, une paille. Même pour des habitués de la flotte A 310, c’est dur à encaisser. D’autant plus dur que rien dans les tarifs parmi les plus forts du réseau Skyteam ne laissent soupçonner une flotte obsolète : 22000 F AR en Espace 127, 19000 F en Tempo. Coup de pot, il n’y a pas de 180 car ça mettait la promenade à 31000 Francs.
Arrivé en salle d’embarquement, je note immédiatement que cette dernière est sans rapport avec les envolées descriptives de mon manuel Skyteam. Pas de climatisation, sièges au confort spartiate ou effondrés, le tout dans une ambiance paludéenne dans laquelle évoluent avidement d’énormes moustiques. Bien fait de ne pas oublier de mettre du OFF. Quelques clients choisis du Pétroléum Club noient leur attente dans de la bière. Laissant derrière nous, alcooliques, moustiques et rouspéteurs, nous arrivons à l’avion par une passerelle aussi glauque que non gardée.
Dès le premier pied dans l’avion, un sentiment trouble de malaise m’envahit. Pourtant les conditions semblent nominales voire même bonnes : un VTR HS, deux sièges Espace en panne électrique, deux autres en panne vidéo, une toilette Espace HS et 30°C en cabine cause panne d’APU.
Toilette, voilà ce qui ne va pas, je ne retrouve pas cette odeur habituelle de l’A 310 car elle semble couverte par autre chose. Il me faut quelques minutes pour identifier le fumet perturbateur et me rapprocher au nez, du galley central. C’est le moment que choisit le steward pour ouvrir un de ses fours.
Immédiatement le fumet passe à l’état solide en une puissante odeur de crevettes.
En termes gastronomiques du menu Espace " Crevettes au riz basmati. ", en termes médicaux " Intoxication alimentaire garantie ", en termes juridiques, au pire " Homicide volontaire " au mieux "Homicide par imprudence avec intention de nuire ".
L’Agent hôtelier de Douala me révèle alors que l’avion est arrivé hier soir ; ça je le savais.
Que l’avion était en panne ; ça je le savais aussi.
Qu’ils ont chargé les prestations hier soir à l’arrivée de l’avion ; ça je le ne savais pas !
Qu’ils n’ont pas pu mettre de carboglace faute d’approvisionnement ; ça je l’avais senti !
Qu’il était désolé mais que le chef d’escale ne lui avait pas dit de ne pas charger ces prestations venant de Paris en soute. Belle anticipation, j’étais désolé aussi.

Entre chaleur, humidité et effluves halieutiques, un rapide calcul me fait dire que les crevettes, la salade fraîcheur, la salade gourmande, le mesclun de la mer et le poulet à la crème viennent de mijoter 16 heures à 30°C.
Grand coordonnateur de ce massacre de la chaîne du froid, le chef d’escale ne semble pas inquiet sur le degré de conservation de nos échantillons de Francité. Je devine dans cette inconscience qu’il n’a pas du faire l’excellent stage Hygiène. N’écoutant que ma santé, celle de l’équipage et des passagers, je lui demande un échange complet des prestations. Je me demande encore, alors qu’il n’a pas fait le stage Hygiène, comment il a pu être sûr que seules les crevettes méritaient un changement au même titre que les prestations équipages. Peut-être mon insistance l’a-t-elle aidé. Nous troquons les crevettes J contre des cassolettes congelées de rat aux nouilles siglé Kenya Airways. La Francité en prend un coup au passage. Je suis ému de cette belle solidarité de Kenya Airways qui outrepasse les limites de Skyteam et qui, elle, a des frigos et même des congélateurs.
Je n’aime pas ne pas partager mes doutes avec mon encadrement. Je demande donc au chef d’escale de me mettre en contact avec le CCO afin d’obtenir l’avis d’un cadre PNC, spécialiste en intoxication alimentaire et chaîne du froid pour obtenir son avis sur la tuerie que nous entendons entreprendre en servant la salade fraîcheur, la salade gourmande, le mesclun de la mer et le poulet à la crème. Pas d’interlocuteur disponible me dit le chef d’ escale, d’ailleurs c’est de ma responsabilité et je l’assume. J’aime bien quand il me dit cela car je sais qu’il l’assume jusqu’au départ de l’avion, nous laissant les emmerdes à venir.
Embarquement des passagers pour Paris à qui nous avons réservé la surprise d’un stop à Yaoundé sur ce vol non-stop vers Paris. Car l’avion n’a pu s’y poser la veille cause panne. Autant dire que les passagers de Yaoundé nous attendent avec impatience.
Arrivée à Yaoundé. Embarquement d’une forte délégation de parlementaires en Espace sur fond d’odeur de toilettes retrouvé et de double seating : pas moins de 11 sur une cabine de 40, un record ! Gros succès commercial mais rien par rapport au succès des apaisantes rayures de la nouvelle harmonie Tempo.
En croisière vers Paris le service commence vers 15 heures donc 22 heures après le chargement hôtelier. Tout se passe bien et seul un passager bloque sur le poulet à la crème. Malaise, transpiration, vomissements. Pour le rassurer, je lui dis que ça ne peut pas être le poulet puisque le chef d’escale m’a assuré qu’il n’y avait pas de problème. Je vais même jusqu’à lui dire qu’il a évité les crevettes. Soulagement de sa part entre deux nausées. Je dois reconnaître pour le chef d’escale que sans avoir fait le stage Hygiène, un passager de chute, c’est peu., Risquée certes, mais belle analyse.
Comme à l’accoutumée, dès notre arrivée à CDG, deux camions Servair et ACNA interdisent toutes évacuations par les portes ARD et ARG. Comme toujours l’arrivée du nettoyage et de l’hôtellerie est plus rapide que celle de notre prestataire Penauille, grand gardien des chaises roulantes. C’est donc l’occasion, pour deux gentilles grands-mères WCHR, de découvrir les multiples corps de métiers qui font que les avions volent. Cette activité les ravit par sa diversité, tout y passe, ACNA, Servair, QL, France Vision. Car on prend son temps chez Penauille et le nôtre par la même occasion.
Le CDB ne s’énerve même pas puisqu’il est déjà parti pour sa correspondance vers Nice. Une bonne demi-heure plus tard arrive une seule chaise roulante. Le jeune homme qui la pousse n’est sûrement pour rien dans ce retard mais entend bien faire deux allers-retours rapides.

Je m’interroge : «Comment se fait-il qu’une certaine conscience professionnelle hante encore des personnels parmi les plus pressurés et sous payés ?»
Sans doute la même qui fait que nos jeunes embauchés en B-Scale sourient autant que ceux qui gagnent un tiers en plus.

mercredi 7 mai 2003

Volume 2

JOUR J-1:
Un gros papillon rose et bleu se jette sur moi dès le passage du filtre de la Cité PN de la Compagnie. Je l’évite de justesse, c’est en fait une Coréenne en costume traditionnel. Je débouche alors en plein combat de Taekwondo. Des cris aigus emplissent le hall. J’y suis, c’est le forum sur la Corée. Yoooiiihh ! Encore un bel exemple du dynamisme du CDR Asie qui n’hésite pas à employer en France des Coréennes et Coréens sans contrat de travail. Avant on appelait ça des esclaves, maintenant , le Centre de Lignes Asie appelle ça des des bénévoles. C’est fou ce que peut se permettre une entreprise qui embauche à grande échelle. Aujourd’hui, pour changer, je suis en civil et le sens rien qu’au confort de mes chaussures. J’abandonne le tatami pour aller à mon secteur pour mon VDC. Pour les néophytes, Vol de Développement des Compétences.
En bref, une demi-journée d’automasturbation autour des thèmes clefs tels qu’Organisation, Equipe, Produit et Client. Autrement dit, comment et sur quelle musique, j’entends danser le vol de demain avec mon instructeur.
Dès le premier contact avec ce dernier, je flaire la journée hautement productive. Son air abattu m’indique qu’il n’est pas fier de me servir cette nouvelle débilité censée remplacer le contrôle. Faut dire, raconter la veille, ce qu’on va essayer de faire le lendemain, fallait y penser. Pas chien et le sentant mal à l’aise, j’entame la conversation sur ses dernières vacances. ça, c’est le sujet bateau. Soulagé, il s’engouffre dans cette voie facile. Thaïlande, GP, Koh Samui, Pataya, jet ski, massage, diarrhée, tout y passe. On ne sort quand même pas l’album photos.
Une heure et quelques rouleaux de papier toilette plus tard, nous abordons à regret le VDC. Un vol sur Abidjan en A 340. Broder là-dessus, faut le faire ! Je m’y emploie ardemment en lui servant de la balise, du passager mystère. Pour l’achever, je saupoudre de ponctualité, bien sentie. Une heure est passée et j’ai choisi la séquence Organisation et plus particulièrement, la gestion du temps. Pas une bonne idée comme on le verra plus tard.
Il est midi et cette journée d’immo se termine et m’amène à un rapide calcul sur le coût de notre onanisme : 1/2 journée de cadre PNC soit charges comprises environ 1700 F plus 1300 F de journée Chef de Cabine Principal, ce qui fait 3000 F la séance de pignole. Mon portefeuille d’actions en frémit.

JOUR J:
H - 2h15:
Je pointe à la banque après vingt minutes de quête d’une place dans les sous-sols du parking de la Cité. Curieusement la composition d’équipage semble complète. Je reste néanmoins sur mes gardes. Méfiance.
Dossier de vol remis à jour, fiches récapitulatives, fiches de sécurité, etc… Je file droit vers la salle de briefing en laissant le stand AIR à sa présentation du nouveau parfum Kenzo. Toujours personne en salle sécurité des vols. Je dépose le dossier dans la salle de briefing la plus élaborée en matière de communication puisqu’elle possède la particularité d’un pilier central. Mon cadre arrive et me propose un café. Nous devisons quelques instants sur son inexpérience en tant que CCP qui lui permet d’avoir une approche relative du poste. Car il faut le savoir, les cadres PNC, anciens CCP, sont un peu comme les poissons volants et ne constituent pas la majorité du genre.
H - 1h 45:
Les deux autres CC arrivent. Surprise, aucun des deux n’est réglementaire. Top sécurité. Je décèle en cela la «Safety Touch» de l’élaboration qui n’a rien à foutre des qualifications CC.
Nous allons voir le Commandant de Bord à la Préparation des vols. A peine la tête dans le box n°11, Le CDB et le copilote m’informent, l’un sur sa femme en accompagnante et l’autre sur son compagnon qui feront la rotation avec nous. Une fois débattu du sujet crucial de leur surclassement, nous abordons les futilités telles que les deux CC non règlementaires et les mesures sûreté. Je dis au commandant qu’il s’agit d’un VDC, ce à quoi il me répond: « Fais un comptage pendant le roulage, ça fera bien pour ton contrôle». Je sens tout de suite qu’on va être en phase question procédures !
H - 1h30:
Je n’en reviens pas, tout le monde est là en salle de briefing. Je ne vois pas tout le monde, mais c’est normal, c’est le pilier central. Positionnement PNC, peu de client pour l’Espace, mauvais souvenir de l’assiette apéritive sans doute… Briefing commercial des CC. Je pensais finir avec la sécurité sûreté lorsque le commandant entre dans la salle pour nous présenter sa femme et leur projet de location d’avion à Abidjan pour aller passer la journée à Yamoussoukro. En guise de briefing sécurité mais au top du CRM, je note la liste des PNC intéressés par la balade.

H -1h15:
Les tarifs de la balade en avion ont été approximatifs et de ce fait certain PNC se désistent déjà en salle bagages une fois la conversion faite. Le parcours finement étudié des navettes nous vaut dix minutes de bouchon avant le filtre de piste.

H - 50’:
Je sens que j’ai eu le nez creux de choisir l’item «Gestion du temps» car avec dix minutes de bourre, nous ne sommes toujours pas à l’avion. Prise en charge de l’avion entre camions SERVAIR mal positionnés et pleins de carburant en cours. Du moins, je devine les pleins à l’odeur de kérosène puisque les PNT observent la plus grande discrétion à ce sujet. La vidéo Rockwell me semble capricieuse dès le premier contact. Dix bonnes minutes sont nécessaires pour l’initialiser après un reset complet.
Je mets la musique d’ambiance qui distille des extraits plaintifs de Mme Butterfly. C’est alors que j’entends des cris et des hurlements dans le fond de la cabine. Je pense immédiatement qu’il s’agit d’un UM effrayé par la nouvelle harmonie Tempo. Plus j’avance, plus la plainte se fait douloureuse. C’est pas un UM mais un DEPA (passager réfoulé du territoire accompagné de policiers) qui comme l’indique son code est accompagné de deux policiers. Vaut mieux car il s’agit d’un tueur de grand mère qui voyoutait dans le 13ème arrondissement. L’embarquement se fait donc en Tempo sur fond de plaintes et de pleurs qui s’accordent bien avec Mme Butterfly mais surprennent tout de même nos passagers déjà choqués par les rayures multiples. Gros succès commercial de cet embarquement sur fond de coups et de bourrades apaisantes.
H - 5’:
Roulage.
H +20’:
Comme pourrait le dire en termes châtiés un membre du Conseil d’Administration, l’ambiance cabine est «gravement impactée» par le DEPA qui s’est chié dessus de trouille. Retour parking. Débarquement du trublion.

H + 40’:
Appel du nettoyage sans succès.
Répondant au message universel du HUB et de sa ponctualité légendaire, nous recommençons le roulage dans une épouvantable odeur qui n’est pas sans rappeler celle des toilettes de l’A310. Les spécialisés apprécieront. Toujours content de mon choix «Gestion du temps»…
A suivre…

mardi 15 avril 2003

Volume 1


H–2h15
Entre pluie et vapeur de kérosène, le gardien m’annonce que le parking de la Cité Air France est complet. Ce départ vers Lagos s’annonce grandiose. Tour du Siège AF et parking H, mon préféré. A peine sorti de ma voiture, une rafale de vent détrempé me cingle le visage. A l’heure pour me parquer à la Cité, je suis maintenant plutôt court pour un pointage à l’heure, tout comme mes collègues avec qui nous formons une cohorte de valises vers la Cité. Pas de course. C’est donc en nage que je touche au filtre d’entrée complètement saturé par une vague venant du RER. Attente, badge, badge, badge… valise et apparaît enfin la salle bagages.
H-1h40
Le nez dans ses listings, l’agent de la "banque PN" répond à mon pointage par une information de départ retardé de 1h30. Pas prévenu. Un rapide coup d’œil sur la liste équipage m’indique une composition d’équipage réduite à 7 PNC sans CC (Chef de Cabine). Remarque à mon interlocuteur qui n’en rien à cirer et je le comprends puisque c’est sans doute la dixième de la journée. Il faut dire qu’il est déjà 8h10… Je file alors vers les ordinateurs pour préparer le vol. Quatre ordinateurs HS m’imposent de faire la queue pour commencer à bosser. Le dossier de vol ne me surprend pas par la fraîcheur de ses informations, puisqu’elles datent de vendredi. Nous sommes lundi. Tout est à mettre à jour sauf le Plan de Service de Vol.
H-2h40 (recalage cause retard)
Je dépose tout cela dans la salle de briefing avant de passer à mon casier Afrique où m’attendent quelques conseils débiles sur le traitement des passagers asiatiques. Konitchiwa et Namaste comme y disent à l’Asie. Je ne manquerai pas d’user de ces subtils conseils auprès des 17 INAD (non admis en France) prévus sur ce vol, ça va leur plaire. Pas de bagarre à bord de la main gauche, ça faut le savoir, au risque de froisser l’interlocuteur. Personne à mon secteur pour leur dire ce que j’en pense…dommage. Comme quoi on trouve plus facilement des INAD que des PNC.
H- 2h25
Retour vers la Place où est en train de s’installer un Forum sur les vols non-fumeurs. Comme si les emmerdes à venir sur ce sujet nous étaient étrangers. Entre café, thé et cigarettes un jeune cadre aux dents longues sert doctement quelques conseils sur la rédaction des formulaires d'Incidents Comportements Passagers. Je me souviens de lui, il avait raté ses tests Généralités lors d’un de mes stages juste avant sa promotion. Je laisse les glandouilleurs et les fumeurs à leur forum et file au suivi planning afin de tenter de faire compléter l’équipage réduit de ce vol.
H-2h20
Aller chercher des PNC pour un vol et en plus avoir à ” pleurer ” pour en avoir, voilà un bel exercice qui vous met en forme pour le respect des balises ” sourire et accueil “. D’autant que l’agent de suivi n’en a pour le moment rien à battre puisqu’il est encore en train de traiter les compo-PEQ (PNC manquants) des vols qui sont à H-30. De toute évidence, mon anticipation du problème dérange quelque peu. J’insiste au risque de passer pour un emmerdeur qui croit qu’à moins trois PNC, ça ne va pas le faire. L’agent de suivi daigne me trouver un CC réglementaire de surcroît. Préoccupé par mes 17 clients INAD, sans doute Fréquence +, je ne note pas dans son œil qu’il a bien l’intention de me reprendre le CC pour le Miami qui part dans une heure.
H-2h05
Retour à la salle de briefing n°28 qui, comme les autres, n’a ni terminal, ni téléphone. Me sentant bien aidé, j’attaque la lecture du dossier de vol qui n’a pas gagné en fraîcheur. Au moment même où je rédige le panneau pour les passagers, surgit l’agent du suivi planning qui me dit benoîtement ” Vous direz au CC qu’il passe nous voir car il part sur Miami ! “. Me sentant de plus en plus en phase avec ce merdier, je sors griller une cigarette autour du présentoir de la boutique AIR en pensant aux aménagements de service à venir. Déjà pour les ventes à bord, leur compte est bon. Gros succès et agitation autour de la nouvelle Swatch dans une ambiance luxueuse et feutrée. Tout le contraire de la salle de sécurité des vols déserte… Bilan des courses, il est H-1h50 et il me manque toujours 3 PNC dont le CC. C’est clair on progresse. Bien fait d’arriver tôt.
H-1h45
Toujours personne dans la salle 28, normal. J’en profite pour aller voir le Commandant. Lui aussi a apprécié le paquet cadeau des 17 INAD, plus les deux sièges HS en Espace (cause vidéo) et la compo-PEQ du moment qui ne nous permet pas de prendre tous les passagers. Nous sommes du même avis, le comptage se fera porte ouverte et non au roulage ; je commence à l’aimer. Nous nous quittons momentanément sur un ” Skyteam de merde ” qui me fait dire que nous sommes en synergie.
H-1h35
La salle de briefing s’est remplie en mon absence et ça me met du baume au cœur. Courte angoisse en apercevant un autre agent du suivi, gros prédateur de PNC. Son changement de direction me fait dire que le Beyrouth va en prendre un coup…
H-1h20 PEQ-3….
PEQ-2, c’est le moment de trouver un FFCC (faisant fonction CC) dans cette pagaille où trois PNC correspondent à mon dossier de vol et dont l’ancienneté pour ce poste est bien difficile à déterminer puisque tous ne sont pas là. Les absents ne sachant pas encore qu’ils partent avec nous. Je retourne aux ordinateurs pour tirer un PCVI (liste équipage) tout chaud. Toujours une forte agitation au stand Swatch, toujours personne en salle sécurité. Cinq minutes pour avoir la liste, reste quinze minutes pour le briefing. A ce moment arrive un PNC non réglementaire de réserve et qui n’est pas sur ma liste. Tout va bien, j’enchaîne sur une liste en manuel, gomme, crayon, ratures et merde à celui qui la lira. Le briefing est torché sur la sécurité-sûreté, le FFCC est trouvé sous réserve qu’un plus ancien n’arrive pas avec une qualification A310. J’en oublie d’aborder Konitchiwa et Namaste… H-1h10 Salle bagages, pluie, navette. Nous sautons de flaques en flaques pour rejoindre la navette Aircar sous des trombes d’eau. Filtre de police, parking, briefing avec le chef avion qui nous confirme sans frémir 17 INAD à bord.
H-1h00
Avion en cours de chargement et nettoyage. C’est la foire aux téléphones portables chez les personnels de Servair et d’ACNA qui téléphonent gaiement à bord. Trop occupés par leurs conversations, ils ne s’inquiètent pas d’avoir condamné avec leurs camions les portes ARG et ARD interdisant toute évacuation. Ca tombe bien nous sommes en plein avitaillement carburant. Tout le monde semble s’en foutre. Chose exceptionnelle, le commandant de bord me fait part des pleins en cours. Oh ! Celui là, c’est un bon. C’est clair Skyteam va atteindre des sommets en sécurité aujourd’hui grâce à nous. Pour le commercial, on verra plus tard.
H-40
Les bonnes nouvelles se font rares, nettoyage en cours à l’arrière, une toilette HS, divers racks condamnés dont on ne connaît pas le contenu car ils sont largement scotchés. Malgré cette pagaille et répondant au message universel sur l’horaire à respecter, le Chef Avion est pressé d’embarquer. Je l’informe que les essais collectifs ne sont pas faits et il voit en cela le cours de l’action AF s’effondrer. Dommage, j’en ai aussi.
PEQ-0.
Arrive le dernier PNC de réserve, non réglementaire. Un coup de chance car avec son ancienneté, il était bon pour le poste FFCC et moi pour refaire quelques gribouillages. Il a perdu son badge entre le poste de police et l’avion. Appel au CCO (centre de contrôle opérationnel), pour savoir comment lui faire établir un badge provisoire. Le mystère reste entier sur la façon de faire.
H-35
J’ai déjà pris des baffes mais celle que je reçois en pénétrant dans la nouvelle harmonie de la cabine Tempo me fait dire que c’était de la petite bière. Quelques malveillants du Marketing Central et de l’Image de Marque ont jugé utile de mélanger tout ce qu’il y a de ” beau ” dans les différentes compagnies Skyteam. Là, se situe l’antre du mauvais goût alliant rayures furieuses dans tous les sens et couleurs non moins diversifiées. Je suis surpris par le premier passager qui n’ose pas rentrer en Tempo. ” Bonjour, bienvenue à bord. Non, non, ce n’est pas en chantier, allez y, 28C. Oui, là dans les rayures. ” Je quitte cette ambiance psychédélique pour retourner vers l’avant. La PIL m’est remise et ne reste qu’un INAD, les autres se sont battus en salle d’embarquement. Cela me permettra de m’occuper des 40 passagers Espace dont 30 pas plus sont ” attention + + + “.
H+20
Roulage, décollage. Ouf…
H+40
Le début du service en classe Espace est pour nous l’occasion d’apprendre que ce sera un service sans nappe. Nappes moins, moins, moins. Restées à Paris, les nappes. Sans doute, ras le bol aussi, les nappes.
A suivre…